La douleur de Neymar, après sa blessure, le 25 février, au Parc des Princes. / Stephane Mahe / REUTERS

Eduardo Diniz s’est fait une raison. « S’il n’y a pas de caïpirinha, je boirai de la vodka ! » Voilà des semaines que le Brésilien, professeur de techniques d’information à la Fondation Getulio Vargas de Sao Paulo, prépare son voyage à Moscou pour assister aux matchs de la Coupe du monde, qui aura lieu en Russie du 14 juin au 15 juillet. Avec sa femme, Lilian, ils ont déjà acheté leurs billets pour passer dix jours dans la capitale russe. Mais depuis quelques jours, la préoccupation du couple ne concerne plus seulement la carte des cocktails moscovites.

Comme les autres fans de la Seleçao, l’équipe nationale de football brésilienne, Eduardo et Lilian s’interrogent : et si Neymar da Silva Santos Junior, la star de l’équipe, ne se remettait pas à temps de sa blessure ? Et si la Seleçao devait se passer de lui comme lors de la Coupe du monde 2014 ? Le fantôme de la « tragédie du 7 à 1 », cette défaite cuisante face à l’Allemagne en demi-finale, rôde encore. Eduardo refuse d’y penser. « Non, non, non, il n’y aura pas de drame. Au contraire, c’est positif. Neymar va se reposer pendant trois mois, pendant que les autres joueurs vont se fatiguer. Il va se rétablir et il sera en pleine forme ! », se rassure-t-il. Après l’élimination du PSG par le Real Madrid en Ligue des champions, l’Auriverde va pouvoir se concentrer sur sa rééducation, avec le Mondial en ligne de mire.

« Le Brésil cherche un nouveau Pelé »

Les Brésiliens, inquiets pour leur prodige, ont suivi presque heure par heure l’évolution de la blessure au cinquième métatarsien de l’attaquant du Paris-Saint-Germain. Aux vidéos montrant le champion hurlant de douleur sur le terrain, le 25 février, lors de la rencontre face à l’Olympique de Marseille, ont succédé les clichés de son arrivée à l’hôpital de Belo Horizonte, au Brésil, les bulletins cliniques, les schémas explicatifs, l’analyse de l’opération à venir… Puis le soulagement à sa sortie du bloc opératoire : « L’opération a été un succès », titraient, soulagés, les journaux brésiliens, lundi 5 mars.

Difficile d’imaginer que l’évolution de la blessure de l’os prolongeant le petit doigt de pied d’un joueur de football puisse à ce point tenir en haleine un pays secoué par une crise politique, meurtri par la violence des gangs et ravagé par les inégalités. « On est face à un phénomène complexe qui permet de comprendre l’âme du Brésil », décortique Paulo Calçade, commentateur sur la chaîne sportive ESPN. « Le Brésil cherche un héros, un leadeur comme Pelé. Neymar, d’origine modeste, talentueux, peut être ce modèle auquel on veut s’identifier », poursuit-il. Les Brésiliens tentent donc de se rassurer comme ils peuvent. En 1962, Pelé, blessé, n’avait pu finir le tournoi, qui avait vu la victoire de l’équipe auriverde.

Disproportion

Neymar, pris en photo sur un fauteuil roulant, souriant et réconforté par sa compagne avant son envol dans un jet privé pour poursuivre sa convalescence dans une résidence estimée à 7 millions d’euros à Mangaratiba, station balnéaire de l’Etat de Rio de Janeiro, est conscient de la pression qui repose sur ses épaules. Mais une partie du pays, y compris parmi les fans, s’est insurgée face à cette abondance de bulletins de santé. « C’est insensé ! Neymar est blessé, c’est regrettable, mais un métatarsien ne va tout de même pas provoquer un choc national. C’est too much ! », s’emporte Jose Antonio Gomes de Pinho, professeur à l’école d’administration de l’université fédérale de Bahia et supporteur de la Seleçao.

A Belo Horizonte, le 4 mars, après son opération. / PAULO WHITAKER / REUTERS

Devenue « Neymar-dépendante », la Seleçao devra, quoi qu’il advienne de la cheville du Paulistano, se passer de lui dès les matchs amicaux face à l’Allemagne et la Russie. « Pour le Brésil, Neymar est un atout mais aussi un problème », analyse Paulo Calçade. « Sans lui, l’équipe devra apprendre à jouer plus collectif. C’est un aspect positif. Le Brésil peut gagner, mais il va falloir travailler », conclut le commentateur. Un défi que le PSG n’a pas su relever.