Editorial du « Monde ». Réformer les peines pour rendre à la justice sa crédibilité. Emmanuel Macron a proposé, mardi 6 mars, une profonde refondation de la prison en France. Plutôt que de se contenter d’annoncer la construction de nouveaux établissements pénitentiaires pour répondre à la question de la surpopulation carcérale, le président de la république souhaite aller au-delà, en changeant carrément le logiciel de la sanction et de son application.

La réforme repose sur deux piliers : effectivité et dignité de la peine. La première passe par une réduction drastique des possibilités d’aménagement de celle-ci. Ainsi, une condamnation à un an de prison ferme ne pourra pas être allégée. Pour les peines entre six et douze mois, le juge d’application ne pourra intervenir que s’il est directement saisi par le juge correctionnel. En revanche, les peines de moins d’un mois de prison, « particulièrement inutiles et contre-productives », selon M. Macron, doivent disparaître de l’arsenal des sanctions.

L’idée est de redonner tout son sens à la sanction d’un délit. Pour cela, il faut que la peine soit exécutée « telle qu’elle a été prononcée », rapidement, et surtout qu’elle soit utile tout en respectant un double objectif : la protection de la société et la réinsertion des condamnés.

Cure de désintoxication

Alors que le taux d’occupation des maisons d’arrêt est en moyenne de 141 % et que l’on compte 100 détenus pour 100 000 habitants, contre seulement 80 en Allemagne, M. Macron s’attaque à une véritable cure de désintoxication de la France à la prison, qui ne doit plus être l’alpha et l’oméga de la sanction pénale. Une philosophie qui est censée alléger la pression sur les capacités des établissements pénitentiaires. De façon cohérente, avec ce changement de paradigme, le président a ramené l’objectif de construction de nouvelles places de prison de 15 000 à 7 000 en cinq ans.

Face à une profession de surveillant qui a été agitée en janvier par un conflit social, notamment sur les questions de sécurité, M. Macron a insisté sur le fait que priver quelqu’un de liberté ne signifie pas lui ôter ses droits. « Pour les prochaines élections européennes, je veux que tous les détenus en France puissent exercer leur droit de vote », a dit le chef de l’Etat, qui a également souhaité que le droit du travail soit adapté aux contraintes de la prison.

Rendre la justice plus efficiente et la prison moins « déshumanisante » est un pari louable, mais il comporte encore beaucoup d’inconnues dans sa réalisation. Ainsi, le plan ne propose pas de solution à la question des petits délinquants multirécidivistes pour lesquels la justice prononce de la prison après avoir tout essayé (stage, sursis, travail d’intérêt général, etc.). Ces cas entrent dans la catégorie des petites peines censées disparaître. De la même façon, pas un mot sur les comparutions immédiates, ces audiences à la chaîne, grandes pourvoyeuses de ces incarcérations de courte durée.

La vision humaniste que le président de la République souhaite donner à la justice est incontestablement ambitieuse et courageuse. Il parle de libérer plusieurs milliers de personnes qui n’ont objectivement rien à faire en prison. Reste à convaincre à la fois l’institution judiciaire, qui se plaint de ne pas avoir été associée à la réflexion, et l’opinion qui, dans sa grande majorité, est convaincue que l’incarcération est la solution à toutes les questions de sécurité, sans réellement s’interroger sur son utilité.