Unai Emery, le 6 mars au Parc des Princes. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Unai Emery n’a pas encore calé la date de son pot de départ, ni vidé son bureau, ni rendu les clés de la salle vidéo où il peut passer des heures à disséquer un match contre Troyes, mais son avenir au sein de l’entreprise PSG paraît déjà limpide. En fin de contrat le 30 juin, le technicien ne passera pas l’été même avec un très possible triplé national (championnat, Coupe de France et de la Ligue). Quand il débarque à Paris le 28 juin 2016, l’Espagnol connaît le deal de départ : deux ans de contrat et un troisième en option en cas d’accessit aux demi-finales de Ligue des champions.

Deux fois il a échoué en huitièmes de finale, deux fois il a maudit ces mains innocentes qui ont mis un grand d’Espagne – le FC Barcelone puis le Real Madrid – sur sa route. Deux fois il a été le responsable tout désigné et assumé de l’échec d’un projet plus global. « C’est un processus dans le temps mais je suis sûr que le PSG gagnera la Ligue des champions », positivait-il mardi soir, tant bien que mal, dans la foulée de l’élimination face au Real (1-2). Emery ne dit plus « on ». Comme si ce projet n’était déjà plus le sien.

L’entraîneur qui voulait changer les mentalités

Le plus pénible commence maintenant pour lui. Vendredi l’attend une conférence de presse avant une rencontre de championnat contre Metz, et Emery sait déjà qu’il sera assez peu question de Nolan Roux, des forces et faiblesses des Messins, mais que l’exercice risque de ressembler à la première journée d’un long procès : le sien. A vrai dire, Unai Emery n’a jamais connu de période de grâce à la tête du PSG. A son arrivée, il est regardé de haut malgré ses trois Ligues Europa remportées avec le FC Séville par un pays qui n’a jamais gagné que deux trophées européens en six décennies. Ancien modeste joueur de D2 espagnole, Emery n’a pas le nom ronflant pour lui, mais il avance avec des références et un style marqué comme entraîneur. L’homme est vampirisé par ce métier que ce jeune divorcé de 46 ans dit avoir privilégié au détriment de sa vie familiale.

Avec lui, le PSG ronronnant et obsédé par la possession de balle de Laurent Blanc, devait gagner en folie et verticalité. Le Basque théorise alors dans le magazine So Foot cette révolution copernicienne qu’il tente d’instaurer. « Après la récupération du ballon, on avait tendance à trop le faire tourner. C’était quasi automatique. J’ai dû convaincre le groupe qu’il fallait qu’on puisse maîtriser les phases de contre-attaque, qui nous seraient précieuses à des moments-clés de la saison. » Mais les débuts sont poussifs, l’ombre de Zlatan encombrante, ses suggestions mercato font flop (Krychowiak, Jesé), les cadres du vestiaire se braquent et Emery leur concède le retour au confort du 4-3-3.

Ephémère « génie tactique »

Unai Emery, au second plan, a perdu la bataille tactique face à son rival madrilène Zinédine Zidane. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Cette synthèse entre ses idées et les desiderata du vestiaire accouchera d’un chef-d’œuvre, cette démonstration collective face au Barça (4-0) en huitièmes de finale aller de l’édition 2017 de la Ligue des champions. On loue alors le devoir d’inventaire du Basque, Le Parisien salue même son « génie tactique ». Le PSG s’est assis à la table des grands d’Europe, mais en dégage trois semaines plus tard. Ce soir-là, au Camp Nou, le charme est rompu. Emery redevient un entraîneur en sursis. Tout sera désormais retenu contre lui après cette improbable remontada (6-1). Son coaching souvent prudent et pas toujours avisé, sa nervosité qu’on dit rejaillir sur ses joueurs, ses interminables séances vidéo et sans oublier sa communication. Passionnant dans la langue de Cervantès, il s’éparpille pour ne pas dire grand-chose dans celle de Molière, lui qui a arrêté les cours proposés par son employeur pour « s’imprégner du français de la rue ».

Presque deux ans plus tard, le PSG n’est pas beaucoup plus avancé que son niveau linguistique de son futur ex-entraîneur. QSI a investi 417 millions d’euros pour ne pas faire beaucoup mieux que le FC Bâle en Ligue des champions. D’où vient le problème ? Bien sûr, Emery traîne quelques casseroles. Il a assumé certains choix forts comme la titularisation du trop frêle Lo Celso ou la mise sur le banc du capitaine Thiago Silva lors du match aller face au Real et il s’est trompé. Comme Laurent Blanc et son 3-5-2 bricolé contre Manchester City, il a perdu tout crédit sur le seul rendez-vous qui compte du côté de Doha. Et si le problème se situait à ce niveau-là ?

Déjà des rumeurs de remplacement

A répéter jusqu’à saturation que « c’est en Ligue des champions qu’on jugera ». Comme si l’ambition et les moyens suffisaient à effacer l’histoire finalement assez verte d’un club qui n’existait pas quand le Real avait déjà soulevé six fois la coupe aux grandes oreilles, à vouloir passer au-dessus de la volatilité d’un sport comme le football où l’injustice et la chance font partie du kit de base.

Ce mercredi, la rumeur du jour donnait Luis Enrique pour s’asseoir sur ce confortable siège éjectable. Demain cela sera peut-être Diego Simeone, Maurizio Sarri ou pourquoi pas José Mourinho. Le nom et les méthodes changeront. Le successeur portera peut-être moins avantageusement le foulard, mais l’écueil risque d’être le même. Celui d’un club qui rêve encore trop grand et n’a presque pas avancé en sept ans. Et Unai Emery n’est jamais qu’un maillon parmi d’autres dans cet échec.