Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi. / FRANCK FIFE / AFP

Dans les entrailles du Parc des Princes, Nasser Al-Khelaïfi a été catégorique, mardi 6 mars, après l’élimination du Paris-Saint-Germain par le Real Madrid, en huitièmes de finale de Ligue des champions. « Cela ne remet pas en cause notre stratégie d’investissements. On veut continuer notre projet », a martelé le président du club. Malgré ses mésaventures chroniques sur la scène européenne (quatre éliminations en quarts et deux en huitièmes du tournoi depuis son rachat, en 2011), le PSG version Qatar Sports Investments (QSI) n’entend pas changer de ligne après avoir déboursé 417 millions d’euros sur le marché des transferts, à l’été 2017, pour notamment recruter Neymar (222 millions d’euros), joueur le plus onéreux du monde, et Kylian Mbappé (180).

Puissance émergente du football continental, le club de la capitale prône la patience et prend volontiers comme exemple la formation londonienne de Chelsea, rachetée en 2003 par l’oligarque russe Roman Abramovitch et qui aura mis neuf ans pour remporter la Ligue des champions. Propriété du cheikh Mansour d’Abou Dhabi, Manchester City a également dépensé des sommes colossales (1,5 milliard d’euros en neuf saisons) sans le succès escompté, en dépit d’une qualification pour les demi-finales de Ligue des champions, en 2016.

« Il ne reste plus que quatre Ligues des champions avant la Coupe du monde 2022 (organisée au Qatar) et je pense que le PSG ira encore plus loin en termes de recrutement pour gagner l’une d’elles », estime l’économiste Bastien Drut, qui sort en mai l’ouvrage « Mercato 2.0 : l’économie du football au XXIe siècle » (Bréal). Pour l’économiste du sport Jérémie Bastien, de l’université de Reims-Champagne-Ardenne, « cette élimination a un impact sur la stratégie globale de développement du PSG et sur la stratégie d’investissements des actionnaires qataris. Elle complique le schéma stratégique ».

« Depuis 2011, l’objectif des investisseurs qataris du PSG est de faire entrer le club dans le cercle privé des meilleurs clubs européens (pour qu’il devienne une marque reconnue internationalement), développe-t-il. Cela est d’abord passé par une domination sportive dans les compétitions domestiques, mais cela implique dorénavant que le PSG fasse presque systématiquement partie des huit derniers clubs présents en Ligues des champions chaque saison, d’où la nécessité d’accéder au moins aux quarts du tournoi, la finalité restant de remporter la compétition sur du court terme. Ce qui serait l’aboutissement du projet qatari. »

« Une goutte d’eau »

Sur le plan financier, le club parisien doit faire une croix sur la manne prévue (13 millions d’euros) en cas de qualification pour les quarts du tournoi, au titre des dotations de l’UEFA et à l’aune des retombées liées à la billetterie, aux droits télévisés et au marketing. Il pouvait espérer remporter 100 millions d’euros si d’aventure il avait atteint la finale de l’épreuve.

« Cette perte sèche est dérisoire, considère Jérémie Bastien alors que le club a remporté 55,3 millions d’euros malgré son élimination par le FC Barcelone, en huitièmes de finale de Ligue des champions. La dotation financière promise aux clubs accédant aux quarts (6,5 millions d’euros) est une goutte d’eau dans le budget annuel du PSG (540 millions d’euros). »

De facto, le club parisien ne perdra pas d’argent par rapport à la saison dernière. Il devrait même en gagner davantage : l’élimination dès le premier tour de l’autre représentant français, Monaco, favorise le PSG, qui touchera une part plus importante du « market pool » (droits télévisés).

Privée de sa star et vitrine commerciale Neymar, blessée et indisponible durant plusieurs mois, la formation de la capitale va-t-elle pâtir de cet énième sortie de route en termes d’image et de retombées marketing ? La question est d’autant plus sensible que le club est désireux de renégocier à la hausse voire tripler ses contrats de sponsoring avec Nike et Fly Emirates (environ 25 millions d’euros annuels). « On peut également envisager que cela implique le non-versement de bonus de performance de la part de certains sponsors, confie Bastien Drut. En revanche, je ne pense pas que cela joue significativement sur l’attrait du PSG pour les sponsors car le club fait tout de même partie des meilleurs d’Europe et détient de possibles futurs Ballons d’or (Neymar, Mbappé). »

« Il y a des craintes autour du retrait de certains sponsors après l’élimination mais je ne suis pas certain qu’on assiste à un tel processus, d’autant plus que l’arrivée de Neymar au PSG l’été dernier va certainement attirer de nouveaux sponsors et partenaires », abonde Jérémie Bastien. Alors que les revenus du club avaient baissé de 35 millions d’euros au terme de l’exercice 2016-2017 (486 millions), d’après le classement annuel de la Football Money League, établi par le cabinet d’audit Deloitte, le recrutement de la star brésilienne est censé avoir un effet bénéfique sur ce plan.

Un faible impact à l’aune du fair-play financier

« Pour résumer, je suis donc peu inquiet pour le PSG dans l’immédiat, considère Jérémie Bastien. Seule véritable ombre au tableau : la difficulté que pourrait avoir le PSG pour vendre certains joueurs au mercato prochain en raison de cette mauvaise performance (pas d’acheteurs ou vente à un prix minoré), ce qui pourrait poser problème quand on connaît toute l’importance pour le PSG de vendre des joueurs au prochain mercato dans le cadre du fair-play financier (FPF). »

Depuis septembre 2017, le club parisien fait l’objet d’une enquête de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) dans le cadre du FPF, ce mécanisme de régulation initié par l’UEFA en 2010. Pour être dans les clous et ainsi échapper à une éventuelle sanction, il est censé générer au moins 75 millions d’euros de revenus d’ici au 30 juin, date de clôture de ses comptes. Après la vente contre 28 millions d’euros du Brésilien Lucas à Tottenham, lors du mercato hivernal, le PSG doit désormais « trouver » autour de 45 millions d’euros.

L’ICFC a d’ailleurs demandé au PSG de faire estimer la valeur de ses contrats de sponsoring avec des partenaires qataris (Qatar National Bank, Ooredoo, BeIN Sports, Qatar Tourism Authority, Aspetar) par une société indépendante et spécialisée. Les experts du FPF craignent que ces accords soient surévalués par l’émirat gazier. En 2014, le partenariat (200 millions d’euros) scellé entre QTA et l’équipe parisienne avait été décoté de moitié par l’UEFA. Le PSG avait été alors sanctionné.

L’échec européen du club de la capitale constitue-t-il un handicap supplémentaire à l’aune du FPF ? « Ce n’est pas vraiment embarrassant », souffle une source proche de l’enquête diligentée par l’ICFC. Sur ce point, les dirigeants du PSG peuvent se rassurer.