Un tribunal turc a condamné, jeudi 8 mars, vingt-cinq journalistes à des peines allant jusqu’à sept ans et demi de prison à l’issue de l’un des nombreux procès ouverts contre la presse après la tentative de coup d’Etat de juillet 2016.

La plupart des personnes condamnées ont collaboré avec des médias proches du mouvement du prédicateur Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’avoir ourdi le putsch manqué. Tous nient toute implication dans la tentative de renversement du gouvernement turc.

Parmi les accusés figurent notamment le chanteur et journaliste Atilla Tas, condamné à plus de trois ans de prison, et le journaliste Murat Aksoy, condamné à plus de deux ans, selon l’agence de presse Dogan. Les deux hommes, qui resteront en liberté conditionnelle en attendant le procès en appel, ont été reconnus coupables d’avoir « aidé une organisation terroriste sans en être membres », a rapporté Dogan.

Ankara considère comme « terroriste » le mouvement de Fethullah Gülen, qui, installé aux Etats-Unis, dément fermement avoir joué un rôle dans la tentative de putsch.

« Qu’écrire et commenter »

MM. Tas et Aksoy avaient été remis en liberté conditionnelle à la fin d’octobre dernier après plus de 400 jours passés derrière les barreaux. Les accusations de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » et « tentative de renversement du gouvernement », qui les visaient ont été abandonnées.

« C’est une décision de justice, nous la respectons », a déclaré M. Tas, jeudi, à l’annonce de la décision du juge, selon une vidéo publiée sur le site du quotidien d’opposition Cumhuriyet. « Si être dans l’opposition dans un pays est un crime, alors je suis coupable », a-t-il dit.

« La procédure judiciaire n’est pas terminée », a tweeté, pour sa part, M. Aksoy. « Je crois que je serai finalement acquitté. Je n’ai fait qu’écrire et commenter », a-t-il déclaré. Les deux hommes étaient jugés avec 27 autres accusés, dont 19 comparaissaient en détention provisoire, selon Dogan.

Treize des accusés, dont l’ancienne rédactrice du quotidien guléniste Zaman Hanim Büsra Erdal, ont été condamnés à six ans et trois mois d’emprisonnement pour appartenance à une organisation terroriste. Et dix d’entre eux ont été condamnés à sept ans et demi pour cette même accusation.

Vestiges de l’Etat de droit

La Turquie est régulièrement critiquée pour l’ampleur des purges qu’elle a lancées après la tentative de coup d’Etat : plus de 50 000 personnes ont été arrêtées et plus de 140 000 ont été limogées ou suspendues.

Le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, a dénoncé un « verdict qui relève de l’arbitraire politique plutôt que de la justice ». La condamnation des journalistes, jeudi, montre selon lui que « tout vestige de l’Etat de droit a disparu en Turquie ». Il appelle à la « libération immédiate » de tous les journalistes condamnés en lien avec le putsch avorté.

Le représentant de l’OSCE pour la liberté de la presse, Harlem Désir, a fait part de sa « préoccupation » sur Twitter. « J’exhorte la Turquie à libérer les journalistes et à abandonner les accusations infondées qui pèsent contre eux », a-t-il ajouté.