Inauguration de l’exposition « Le Louvre à Téhéran, le 5 mars 2018. / Ebrahim Noroozi/AP

Depuis le début du mois de mars, deux grandes affiches « Le Louvre à Téhéran » couvrent la façade ocre du Musée national d’Iran, au cœur de la capitale iranienne. Inaugurée le 5 mars par Jean-Yves Le Drian, lors d’une visite officielle du ministre des affaires étrangères, cette exposition est la première d’un grand musée occidental en Iran. Et sa portée dépasse, bien sûr, le champ de l’art. Alors que la France s’en tient toujours à un discours diplomatique ferme envers Téhéran, notamment sur son arsenal balistique et sur sa politique régionale, cet événement culturel symbolique ouvre une porte.

Cette exposition a été le fruit de très longues tractations. Sa commissaire française, Yannick Lintz, également directrice du département des arts de l’islam au Louvre, s’est longtemps demandé si ce projet finirait par aboutir. L’arrivée au pouvoir du modéré Hassan Rohani, en 2013, a rouvert la porte à des échanges culturels entre les deux pays, après la longue glaciation de la période Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013). En juin 2015, pour la première fois, Yannick Lintz a obtenu un visa pour se rendre en Iran. « Nous sentions déjà que le pays commençait à s’ouvrir », se souvient-elle. Mais il a encore fallu près de trois ans de négociations et de préparation pour finaliser l’exposition.

« Le Louvre a essayé d’être intelligent. C’est-à-dire que nous avons évité de présenter des tableaux avec des Vénus toutes nues. » Yannick Lintz, commissaire de l’exposition

En tout, pas moins d’une trentaine d’allers et retours entre Paris et Téhéran auront été nécessaires à l’équipe française pour que « Le Louvre à Téhéran » voie le jour. « Dans ce genre de projets, jusqu’au bout, on sait que cela peut s’arrêter du jour au lendemain. Le risque existe toujours », raconte Yannick Lintz. Les autorités iraniennes avaient pourtant tout à y gagner. Après des années d’isolement, le président Rohani cherche à renouer des liens avec le monde occidental. Le Louvre, lui, poursuit une série d’expositions, après celles organisées au Caire, à Abou Dhabi et à Tunis, dans le monde musulman.

Les antiquités égyptiennes, dont le Sphinx royal au nom du pharaon Hachoris, constituent une grande partie des 58 œuvres de l’exposition. « C’est une demande particulière de Téhéran », précise l’équipe du Louvre. Le Caire et Téhéran n’ont plus de relations diplomatiques depuis 1980, un an après la révolution iranienne, ce qui attise l’intérêt du public en Iran pour la civilisation égyptienne. La sélection des pièces respecte aussi les lignes rouges de la République islamique d’Iran. « Le Louvre a essayé d’être intelligent. C’est-à-dire que nous avons évité de présenter des tableaux avec des Vénus toutes nues », explique Yannick Lintz.

Frilosité des mécènes

Vitrines, podiums, mais aussi dispositifs de sécurité, ont été pensés pour répondre aux normes du Louvre. « Avec “Le Louvre à Téhéran”, nous avons démontré notre capacité à respecter les normes internationales et à les appliquer, se félicite le directeur du Musée national d’Iran, Jebrael Nokandeh. Nous sommes en négociations avec l’Allemagne pour organiser l’année prochaine une exposition avec l’un de leurs grands musées. D’autres échanges sont également en cours avec le British Museum. » Le plus grand défi, explique l’équipe du Louvre, a été, non pas politique, mais dans la recherche du mécénat en France. Les partenaires habituels, soit les fondations et les entreprises, se sont montrés frileux. Des sanctions restent en place, notamment aux Etats-Unis, contre les entreprises qui investissent en Iran, malgré l’accord nucléaire de 2015 avec Téhéran. Finalement, ce sont les fondations de Total et Renault, à l’affût de l’ouverture du marché iranien, qui ont répondu présent.