« En 2018, la Fed revendra pour 400 milliards d’actifs financiers et la banque centrale réduira progressivement à zéro ses achats. Ce renversement de tendance constitue un risque d’instabilité majeur. » / Eugene Hoshiko / AP

Tout observateur un peu attentif n’a pu manquer de remarquer que la soudaine correction des marchés d’actions au début du mois de février s’est accompagnée d’une brutale remontée des indicateurs de volatilité. Il n’en faut probablement pas davantage pour conforter la perception que volatilité équivaut à risque, et que le fameux indice « Vix » mérite bien son surnom médiatique d’« indicateur de la peur ».

La volatilité représente, techniquement, rien de plus que l’ampleur des variations d’un indicateur quelconque autour de sa moyenne historique. Et les indicateurs de volatilité couramment utilisés, comme le « Vix », sont simplement ceux qui sont implicitement retenus par les professionnels de marchés dans le prix des options sur indices boursiers qu’ils proposent.

Par un mouvement de prudence bien naturel des teneurs de marché, ces volatilités implicites bondissent quand des investisseurs paniqués en grand nombre cherchent à leur
acheter des options pour protéger leurs positions. Et cette envolée soudaine de la volatilité est d’autant plus spectaculaire qu’elle fait suite à une longue période où le sentiment de grande confiance des investisseurs (merci les banques centrales !) se reflétait dans un besoin de couvertures très faible, donc des volatilités stables et très basses.

La réalité est qu’il est normal qu’un marché, soumis par nature à de très nombreuses incertitudes, affiche une certaine volatilité

Au fond, c’est d’un seul coup la « volatilité de la volatilité » qui se réveille. Mais tout ceci n’a vraiment d’importance que pour les traders, ou les apprentis spéculateurs qui auraient parié un peu prématurément sur la mort de la volatilité. La réalité est qu’il est normal qu’un marché, soumis par nature à de très nombreuses incertitudes, affiche une certaine volatilité. Depuis le pic de février, l’indice « Vix » est d’ailleurs revenu à des niveaux d’une grande banalité.

Le véritable risque de marché pour un investisseur est ailleurs. Il réside dans des ruptures d’ampleur suffisante pour hypothéquer parfois des années d’accumulation d’épargne. De tels phénomènes restés célèbres se sont produits dans les marchés actions lors du krach d’octobre 1987, lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990, en 2002 dans le sillage de l’éclatement de la bulle Internet, et bien sûr en 2008.

Facteurs de déstabilisation

En se gardant d’exagérer les parallèles entre des situations radicalement différentes, il faut toutefois reconnaître dans ces phénomènes de véritables déstabilisations de situations d’équilibre apparemment bien installées. On peut même voir dans les périodes de grande stabilité l’origine, si ce n’est la cause, d’une grande vulnérabilité à un choc externe, lui-même souvent très difficile à anticiper. Si l’on veut scruter les risques de marchés aujourd’hui, c’est dans les éventuels facteurs de déstabilisation de la longue et fructueuse convalescence des marchés post-2008 qu’il faut donc chercher.

En partant du constat que l’intervention extraordinaire des banques centrales a été la première cause de confort des marchés depuis 2009, la modification de leur attitude constitue bien le premier risque de déstabilisation. Les banques centrales ont acheté pour 11 000 milliards de dollars d’actifs financiers depuis 2009. En 2018, la Fed en revendra pour 400 milliards, et la banque centrale réduira progressivement à zéro ses achats. Ce renversement de tendance constitue un risque d’instabilité majeur, a fortiori dans un monde toujours surendetté.

L’intervention des banques centrales a eu une autre conséquence indirecte : le creusement des inégalités entre les détenteurs de patrimoines financiers, qui ont profité de la hausse des marchés, et les simples salariés qui n’ont pas constaté d’amélioration de leur niveau de
vie. Ce creusement a favorisé (parmi d’autres facteurs) l’avènement de dynamiques contestataires puissantes (de ce point de vue, l’issue des récentes élections en Italie fait écho à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2016).

Ces mouvements sont enclins à remettre en cause les credo du libéralisme économique et de la globalisation, au profit de ceux du keynésianisme et du protectionnisme. Ils représentent en ce sens pour les marchés une menace à l’équilibre qui les a portés depuis de longues années.

Moteur économique

Heureusement pour les investisseurs, les marchés ont pour moteur central la microéconomie (la santé des entreprises) et la macroéconomie (la santé des économies), qui est capable de transcender ces risques. Tant que ce moteur économique tourne lui-même de façon équilibrée sur tous ses cylindres, les marchés peuvent s’accommoder de beaucoup de menaces hypothétiques. C’est encore le cas aujourd’hui. Mais il faut être lucide sur le fait que le prochain ralentissement économique mettra à jour ces fragilités.