L’ESWC, un autre événement e-sportif organisé par Webedia. / CAMILLE MILLERAND / « LE MONDE »

En temps normal, les communautés « geeks » et « gamers » se réjouiraient plutôt de voir leur région et les collectivités soutenir et financer un événement comme le « championnat e-sport Ile-de-France ». Un championnat amateur régional autour du jeu vidéo de football FIFA 18, dont les prochaines phases qualificatives auront lieu le 31 mars dans les Yvelines, et dont la finale est prévue en novembre, à l’occasion du Salon Paris Games Week.

Pourtant, mercredi 7 mars, des dents ont grincé, quand un article de Libération a dévoilé que l’événement était financé à 100 % par les pouvoirs publics. Soit à hauteur de 200 000 euros par la région, et de 140 000 euros par diverses municipalités organisatrices – informations dont Le Monde a eu confirmation.

Or derrière le championnat e-sport IDF, il y a Webedia, filiale du groupe Fimalac et propriété de Marc Ladreit de Lacharrière. Autrement dit un grand groupe des médias en ligne, qui revendiquait en 2016 une valorisation au-dessus du milliard d’euros et un chiffre d’affaires de plus de 200 millions.

Les projecteurs se braquent alors sur le championnat, qui n’avait jusqu’ici pas particulièrement déchaîné les passions. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui s’émeuvent qu’un organisateur milliardaire fasse financer intégralement un de ses événements, fût-il régional, par la région et les communes. D’autant que, selon une source anonyme citée par Libération, le budget aurait été décroché grâce à un projet prévisionnel qui tiendrait « en trois lignes ».

Adrien « Zerator » Nougaret, streameur populaire, entrepreneur et lui-même organisateur de ce type d’événements, met le feu aux poudres avec un tweet où il moque la décision du conseil régional.

Le site du championnat e-sport IDF, qui était encore en ligne quelques heures avant la parution de l’article de Libération, n’était plus accessible jeudi 8 mars.

Un coup de pouce à caractère exceptionnel

Contacté par Le Monde, Cédric Page, directeur général « gaming » chez Webedia, préfère laisser le soin à la région de donner ses réponses sur la question du financement proprement dit. Il « conteste » toutefois vigoureusement les accusations de légèreté du projet :

« C’est un projet évidemment ambitieux, qui ne se résume pas en trois lignes ! Les choses ont été précisées le long de nombreux rendez-vous avec la région et les villes. Peut-être que la personne qui a parlé à “Libération” confond avec le rapport succinct qui en a été tiré, mais qui d’ailleurs ne tenait pas en trois lignes non plus. »

De son côté, la région ne conteste pas les chiffres : le rapport de mars sur la politique régionale en faveur du sport, que Le Monde a pu consulter, mentionne bien une somme de 200 000 euros sur un coût total de 340 000 euros, soit une participation du conseil régional à hauteur de 59 %, le reste étant en effet financé par les villes.

Des neuf projets détaillés dans ce rapport, le championnat e-sport IDF hérite cependant d’une dotation particulièrement importante, les huit autres étant subventionnés à hauteur de 5, 10, 20, voire 30 % au maximum. Pour la région, cela peut monter bien au-delà : « La moyenne est de 30 %, mais [ce n’est] pas la règle absolue. »

Ce généreux coup de pouce pour la première édition du championnat e-sport IDF n’aurait cependant pas vocation à se renouveler dans le futur, ou en tout cas pas dans les mêmes proportions : « il s’agit d’un amorçage », assure-t-on au conseil régional.

Enfin, la région souligne qu’il n’y a ici rien de nouveau, et qu’entre 2006 et 2008, elle avait financé, « sur la base du même montant », l’ESWC, un événement e-sportif organisé par la société Oxent, entre-temps rachetée… par Webedia.