Après la tuerie dans un lycée de Parkland, le 14 février, en Floride, Donald Trump a ressorti un « vieil épouvantail », en évoquant les liens supposés entre les tueries de masse et les jeux vidéo violents. Jeudi 8 mars, le président américain a présenté ses arguments aux représentants de l’industrie du jeu vidéo réunis à la Maison Blanche, accompagnant son propos d’une vidéo enchaînant des scènes de jeux violents. Le président des Etats-Unis a ensuite lancé un débat sur le renforcement des mesures de protection des enfants et des adolescents.

Une certaine forme de protection existe déjà aux Etats-Unis, comme le rappelle l’Entertainment Software Association (ESA), principal lobby américain du jeu vidéo dans un communiqué : « [Notre] système de notation (…) aide les parents à faire des choix informés ».

Ce classement américain, l’ESRB, a un équivalent européen, le PEGI, ou Pan european game information. Un système qui précise l’âge minimal conseillé du joueur. Il a été élaboré en 2003 par la Fédération européenne des logiciels de loisirs, lobby représentant l’intérêt des éditeurs européens de jeux vidéo.

  • Cette classification est-elle claire et simple ?

L’âge minimal conseillé d’un jeu vidéo est précisé sur une vignette, grande et lisible, placée sur la pochette. Cinq catégories d’âge existent, allant crescendo selon le niveau de violence contenu dans le jeu.

Les cinq catégories d’âge de PEGI. / PEGI

  • La catégorie PEGI 3 référence des jeux « adaptés à toutes les classes d’âge ». On y retrouve un niveau de violence maximal comparable à celui des dessins animés type Tom & Jerry.
  • La catégorie PEGI 7 avertit de la présence de sons effrayants, ou de scènes susceptibles de faire peur.
  • PEGI 12 indique la présence de violences visuellement explicites, mais qui ne sont jamais à destination de personnages à figure humaine.
  • PEGI 16 autorise la reproduction de scènes violentes telles qu’on peut les trouver dans la réalité, ainsi que de scènes à caractère sexuel. Certaines grossièretés de langage sont admises, tout comme les activités criminelles, l’usage du tabac et de la drogue.
  • PEGI 18 autorise la violence « crue ». Même si les concepteurs du classement PEGI avouent eux-mêmes que les contours du mot « crue » sont difficiles à circonscrire.

Des petits pictogrammes accompagnent les jeux les plus violents, précisant les raisons pour lesquelles ce jeu a reçu une classification restrictive. Elles montrent que la violence n’est pas la seule cible du classement PEGI.

Les sept motifs principaux qui poussent l’association PEGI a juger un jeu plus violent qu’un autre. / PEGI

  • Les jeux vendus en ligne sont-ils concernés ?

Une part importante des jeux vidéo sont désormais distribués sur Internet. Les jeux y sont vendus sous forme dématérialisée, sans pochette, par téléchargement. La plupart du temps, la classification PEGI est mentionnée sur la page de présentation du jeu, mais cela n’est pas systématique. La boutique de jeux en ligne Steam par exemple oublie de mentionner le classement PEGI 16 du très populaire jeu Player Unknown’s Battlegrounds. Pour le retrouver, il faut consulter la page de recherche du site de PEGI.

La classification de milliers de jeux n’est hélas mentionnée nulle part. Les petits titres des éditeurs indépendants font rarement l’objet d’une classification PEGI. Il s’agit pourtant d’une obligation légale en France. Idem pour les jeux disponibles sur iOS : le magasin d’applications d’Apple dispose de sa propre classification par âge. En revanche, les titres vendus sur le magasin d’Android sont bien estampillés PEGI.

  • Qui attribue les niveaux ?

Dans un premier temps, l’éditeur du jeu reçoit un formulaire de neuf pages, qui lui demande d’indiquer le niveau de violence du jeu, en cinquante points précisément décrits. Ce questionnaire est élaboré par l’association PEGI, où siègent des représentants des éditeurs de jeux, des fabricants de consoles de jeu, des associations commerciales nationales, ainsi que des experts maison.

Voici un extrait de ce questionnaire : « Violence choquante signifiera la représentation d’une décapitation, d’un démembrement, d’une scène de torture, et d’autres façons horribles d’infliger la mort, une douleur vive, ou une blessure à une personne. »

Après avoir reçu les déclarations des éditeurs de jeu vidéo, l’association PEGI fait contrôler leurs déclarations par une instance indépendante : soit le Nicam, basé aux Pays-Bas, soit le VSC, basé au Royaume-Uni. Comme l’a relevé France Inter dans un reportage au Nicam, les déclarations des éditeurs sont parfois sous-évaluées ou surévaluées. A noter, la classification PEGI est la seule à avoir été homologuée par le ministère de l’intérieur.

  • Ce classement est-il laxiste ?

Les évaluations de PEGI sont plutôt sévères. Trente pays européens les utilisent, et tous ont un rapport à la violence différent. Pour chaque type de violence, les contrôleurs de PEGI se basent sur la perception du pays européen le plus sensible.

Les jeux vidéo sont notés plus sévèrement que les films, comme l’expliquait un article du Monde en 2015. Certains longs-métrages sont déclinés en jeux, comme Alien ou X-Men. Ces jeux sont systématiquement conseillés à des populations plus âgées que le film lui-même, sans que cela ne se justifie toujours.

Cependant, la sévérité de la classification PEGI n’est pas sans faille. L’association s’est récemment montrée réticente à avertir les joueurs contre la présence de loot boxes, des pochettes-surprises payantes qui permettent d’avancer plus facilement dans un jeu vidéo. PEGI a refusé de signaler les loot boxes comme des jeux d’argent. Prudent, Dirk Bosmans, directeur des opérations du PEGI, a déclaré :

« Nous ne pouvons statuer que cela correspond à des jeux d’argent. Cette responsabilité appartient à la commission nationale des jeux. Nous ne qualifions de jeux d’argent que des titres qui simulent [les] casinos ou les champs de course. Si une commission des jeux statuait que les “loot boxes” sont une forme de jeu d’argent, alors nous aurions à ajuster nos critères. »
  • Les jeux classés violents sont-ils nombreux ?

En 2015, les titres les moins violents, classés PEGI 3 et 7, représentaient la moitié des jeux classés par l’association. Les jeux les plus violents, classés 16 et 18, en représentaient un quart.

  • Ce système est-il efficace ?

Ce classement est purement indicatif. Les vendeurs des magasins de jeux vidéo ne sont pas tenus d’interdire l’achat d’un jeu classé PEGI 18 à un mineur. Son efficacité repose donc principalement sur la vigilance de l’entourage des enfants, en premier lieu les parents.