La commissaire au commerce de l’Union européenne, Cecilia Malmström, lors d’une allocution le 7 mars à Bruxelles. / ARIS OIKONOMOU / AFP

L’Union européenne n’a pas obtenu samedi 10 mars satisfaction sur sa demande d’être exemptée des taxes douanières imposées par Donald Trump sur l’acier et l’aluminium, après avoir mis en garde Washington contre le risque d’une guerre commerciale.

Les Européens ont signifié leur déception samedi au représentant au commerce américain Robert Lighthizer, venu à Bruxelles pour une réunion prévue de longue date avec la commissaire au commerce Cecilia Malmström et le ministre japonais de l’économie Hiroshige Seko. Le Japon, comme l’Union européenne, exige d’être exempté des taxes américaines.

« La discussion a été franche » mais « nous n’avons pas obtenu de clarté immédiate sur la procédure pour être exemptés et les discussions vont se poursuivre la semaine prochaine », a annoncé Mme Malmström dans un message sur son compte twitter, à l’issue de la rencontre qui a duré environ quatre heures.

« Nous sommes un allié proche et un partenaire commercial des Etats-Unis. A ce titre, l’Union européenne doit être exclue des mesures annoncées » par le président Donald Trump, a encore répété Mme Malmström.

Mise en garde sur les conséquences

Les entretiens ont également porté sur la coopération entre les trois partenaires pour lutter contre les pratiques de dumping et les problèmes posés par les surcapacités dans le secteur de la sidérurgie. Les Européens ont fait état de bons résultats sur cette partie de la rencontre et espèrent que leurs efforts seront pris en compte par Donald Trump.

Les Européens et les Japonais n’attendaient pas de décision samedi mais ils ont souhaité mettre la pression sur les Américains. Le président français Emmanuel Macron avait quant à lui, mis en garde vendredi soir son homologue américain contre les conséquences de sa décision :

« De telles mesures visant des pays alliés, qui respectent les règles du commerce mondial, ne seraient pas efficaces pour lutter [contre] les pratiques déloyale. L’Europe répondra de manière claire et proportionnée contre toute pratique infondée et contraire aux règles du commerce mondial. »

Le vice-président de la Commission Jyrki Katainen a également commenté la décision américaine vendredi à Bruxelles :

« Il ne s’agit pas d’une négociation commerciale. Ce dont nous parlons, c’est d’une action unilatérale contre les règles internationales. Nous voulons solder cela avant que ça devienne réellement un problème. »

L’UE a préparé des contre-mesures si Donald Trump persiste dans son intention de sanctionner ses sidérurgistes. Ainsi trois options existent :

  • La plus immédiate, applicable en trois mois, consisterait à taxer lourdement, en guise de rétorsion, certains produits américains emblématiques, comme les jeans, les motos de grosse cylindrée ou le beurre de cacahuète, dont Bruxelles a établi une liste.
  • L’UE envisage également de mettre en œuvre des mesures dites « de sauvegarde » pour protéger son industrie des importations étrangères d’acier et d’aluminium.
  • Enfin, elle prévoit de déposer, le cas échéant, une plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), estimant que les mesures américaines, sous couvert de protéger la sécurité nationale, ne servent qu’à avantager ses entreprises.

Un « affront » pour l’Allemagne 

L’Europe a exporté 5,3 milliards d’euros d’acier et 1,1 milliard d’euros d’aluminium en 2017 vers les Etats-Unis. Les Européens restent pour l’instant unis, mais la Commission européenne redoute les initiatives américaines pour les diviser.

« Nous ne pourrons pas accepter que l’UE soit divisée par l’administration américaine », a averti Jyrki Katainen, très explicite à l’adresse des Britanniques, en train de négocier leur départ de l’UE. Il a rappelé que « le Royaume Uni est toujours membre de l’Union européenne et que cela lui impose des obligations ».

Les alliés et les rivaux des Etats-Unis ont dénoncé depuis jeudi le net virage protectionniste américain et une attaque contre le libre-échange. L’Allemagne, un des plus grands pays exportateurs au monde, directement pointée du doigt par Donald Trump, a été particulièrement virulente, dénonçant un « affront » envers ses alliés.

Pour le ministère chinois du commerce, il s’agit d’un « abus », et le chef de la diplomatie, Wang Yi, a promis une « réponse appropriée » en cas de guerre commerciale avec Washington. La Chine, de loin le premier producteur mondial d’acier, est régulièrement accusée d’être à l’origine de la surcapacité dans le secteur, en raison de ses subventions massives.