Le Mill, pub de Salisbury, fréquenté il y a une semaine, par Sergeï et Youlia Skripal quand ils ont été empoisonnés dans des circonstances encore floues. Le 11 mars. / HENRY NICHOLLS / REUTERS

Des traces de contamination à l’agent innervant administré à un ex-espion russe et à sa fille ont été retrouvées dans un restaurant et un pub de Salisbury qu’ils ont fréquentés il y a une semaine, quand ils ont été empoisonnés dans des circonstances encore floues.

Les clients, jusqu’à 500, s’étant rendus dans l’établissement de la chaîne de restauration Zizzi dans cette ville paisible du sud de l’Angleterre ou dans le Mill Pub le jour ou le lendemain de l’empoisonnement ont été invités par les autorités sanitaires à laver leurs affaires.

« Nous avons appris qu’il y a une contamination limitée dans le Mill Pub et le restaurant Zizzi à Salisbury », a déclaré Jenny Harries, directrice médicale adjointe de Public Health England, au cours d’une conférence de presse dimanche 11 mars.

Selon la BBC, des traces de la substance toxique ont été décelées sur et autour de la table où ont déjeuné Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, le 4 mars avant d’être retrouvés inconscients sur un banc de la ville où habite l’ex-agent double.

Laver à sec

« Il peut y avoir un très petit risque pour la santé associé à un contact répété avec des affaires ayant pu être contaminées », a expliqué Mme Harries tout en assurant que les dangers pour le grand public étaient « faibles ».

« A titre de précaution », elle a invité les clients ayant fréquenté les établissements entre le dimanche 4 mars à 13h30 et leur fermeture le lendemain à nettoyer leurs vêtements dans un lave-linge. Ceux ne pouvant être lavés qu’à sec doivent être placés « dans deux sacs plastiques fermés » et « conservés de manière sûre » jusqu’à nouvel ordre. Pour les autres objets, comme les téléphones portables et sacs à main, il faut utiliser des lingettes ou, si ce n’est pas possible, les nettoyer manuellement à l’eau savonneuse.

Les victimes se trouvaient dimanche dans un état « critique mais stable » en soins intensifs, a dit pendant la conférence de presse Cara Charles-Barks, la directrice générale du service public de santé (NHS) à Salisbury. Le policier hospitalisé après son intervention est « conscient » mais également « dans un état grave mais stable ».

Enquête « complexe »

Sergueï Skripal et sa fille ont-ils été empoisonnés dans le pub ou le restaurant, désormais fermés pour une durée indéterminée ? Ont-ils été suivis au cours de leurs déplacements ? Le poison se trouvait-il dans un colis livré à domicile ou dans un bouquet de fleurs déposé au cimetière de Salisbury où reposent des parents ? Ou bien Youlia a-t-elle introduit elle-même l’agent innervant au Royaume-Uni en apportant de Moscou un « cadeau offert par des amis » en rendant visite à son père ?

Des militaires britanniques s’équipent avant de travailler sur une zone de l’enquête sur la contamination à l’agent innervant de Sergueï et Youlia Skripal, à Salisbury en Angleterre, le 11 mars. / Andrew Matthews / AP

Plusieurs pistes sont envisagées, selon la presse britannique, dans le cadre d’une enquête de grande ampleur tentant de faire la lumière sur la tentative de meurtre. C’est une enquête « complexe », a souligné dimanche le chef de la police de Wiltshire, Kier Pritchard. Des renforts militaires ont été dépêchés sur place pour déplacer des objets et des véhicules potentiellement contaminés.

Les enquêteurs ont jusqu’ici identifié plus de 240 témoins et recueilli environ 200 éléments de preuve, avait annoncé la veille la ministre de l’Intérieur Amber Rudd à l’issue d’une réunion d’urgence du gouvernement. Elle avait jugé prématuré de désigner un responsable mais nombreux sont ceux au Royaume-Uni à y voir la main de la Russie, comme le chef de la diplomatie Boris Johnson. Moscou a nié toute implication.

La réponse de May trop « molle »

« Si l’implication d’un Etat étranger venait à être prouvée dans cette enquête, alors évidemment ce serait très grave et le gouvernement répondrait de manière appropriée », a déclaré dimanche le chancelier de l’Echiquier Philip Hammond sur la BBC.

Il a repris les éléments de langage précédemment utilisés par la Première ministre conservatrice Theresa May. Mais selon le Sunday Times, il figure parmi les poids lourds du gouvernement, comme Boris Johnson et le ministre de la Défense Gavin Williamson, qui jugent la réponse de Mme May trop « molle » et l’exhortent à annoncer des sanctions contre la Russie dès lundi. Le Parti conservateur est également critiqué, d’après le journal, pour avoir reçu plus de trois millions de livres (3,4 millions d’euros) de dons de riches russes depuis 2010.

Marina Litvinenko, la veuve d’Alexandre Litvinenko, un ancien agent secret russe et opposant à Vladimir Poutine empoisonné à Londres en 2006, a quant à elle déploré sur la BBC que le Royaume-Uni n’ait « pas tiré les leçons du meurtre de mon mari ».