Jean-Louis Debré, en 2016 au Conseil constitutionnel. / PATRICK KOVARIK / AFP

L’ancien président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré critique le projet de réforme des institutions, dans une interview au Journal du dimanche du 11 mars.

« Il y a un mal français qui consiste à changer sans cesse les règles du jeu politique », affirme cet ex-ministre, fils de Michel Debré, l’un des hommes clefs dans la naissance de la Constitution de la Vème République, interrogé sur la réforme engagée par le chef de l’Etat. « Cela me fait penser aux joueurs de football qui n’arrivent pas à marquer : pour y parvenir, soit ils s’entraînent plus, soit ils élargissent les buts. Et nous, nous sommes sans arrêt en train d’élargir les buts », ajoute ce gaulliste, fidèle de Jacques Chirac.

Crainte d’instabilité

Sur l’introduction d’une dose de proportionnelle, M. Debré relève que cela « a été une des causes, sous la IVe République, de l’instabilité gouvernementale ». Invitant à regarder les récents exemples allemands et italiens, il dit craindre le « retour d’une instabilité chronique ». Il se dit aussi « choqué » par le projet de limitation à trois du nombre de mandats successifs, « parce que dans le système démocratique, c’est à l’électeur de choisir qui il veut comme élu ».

M. Debré estime en revanche qu’il y a bien « trop » de parlementaires, rappelant que « dans la Constitution initiale, il n’y avait d’ailleurs que 482 députés et 301 sénateurs ».

Sur la limitation du droit d’amendement, l’ancien président du Conseil constitutionnel relève que celui-ci « a toujours considéré que le droit d’amendement faisait partie de la fonction parlementaire, et qu’on ne pouvait pas limiter ce droit ».

Attention aux référendums

M. Debré dit aussi « attention » en ce qui concerne un recours éventuel au référendum sur la réforme, observant que « sur ces questions institutionnelles, les Français ne répondent jamais à la question posée ».

Au sujet du recours à l’article 11 (consultation directe sur un projet de loi portant sur « l’organisation des pouvoirs publics »), il observe que « de Gaulle l’a fait », pour ajouter aussitôt : « Mais tout le monde n’est pas de Gaulle ». Il glisse au passage que « Nicolas Sarkozy n’aurait pas dû faire la réforme de 2008 », qui « hormis la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) » était à ses yeux « purement démagogique ». Quant à la mention de la Corse dans la Constitution, M. Debré estime que le texte fondateur « n’est pas là pour faire plaisir à tel ou tel ». « Qu’on réforme la France, qu’on change un certain nombre de règles du jeu, oui. Mais qu’on ne le fasse pas par démagogie ou populisme », conclut-il.