La littérature pour adolescents est l’un des segments les plus dynamiques de l’édition en France. / DR

LES CHOIX DE LA MATINALE

Pour la première fois, le Salon du livre de Paris, qui se tiendra du 16 au 19 mars, consacre un espace entier à la littérature adolescente. Jalonné de best-sellers internationaux et porté par de nombreuses adaptations cinématographiques, ce genre littéraire est un des segments les plus dynamiques de l’édition. Dans des registres différents, voici cinq romans sortis cette année en France, à retrouver sur les stands du Salon du livre, Porte de Versailles.

  • « Elia, la passeuse d’âmes », une dystopie française

Elia, la Passeuse d'Ames Tome 2 : Saison Froide, de Marie Vareille. / ALEXANDRE CHAUDRET / UNIVERS POCHE

Après avoir fait ses classes avec des histoires romantiques pleines de bonne humeur, la plume de Marie Vareille a pris un tournant plus sombre avec la publication en 2016 du premier tome d’Elia, la passeuse d’âmes. Dans cette dystopie, Elia, jeune femme bien née, va devoir s’enfuir pour sauver sa vie après avoir porté secours à un jeune Nosoba, membre de la caste pauvre, ouvrière, et sans droits. En se cachant parmi les laissés pour compte, elle va être confrontée à l’injustice, la faim et le danger permanent.

Dans le deuxième tome paru mi-janvier, la romancière française de 33 ans cisèle la détermination politique de son héroïne qui intègre les forces armées pour retrouver sa petite sœur. Différence, solidarité et iniquité sont au cœur de cette série, qui, au passage, propose un exemple d’héroïne qui progresse grâce à sa propre persévérance et ne se construit pas à travers une relation sentimentale avec un homme, fait assez rare dans le genre « Young Adult ».

« Elia, passeuse d’âmes », tome II Saison froide, de Marie Vareille, édition Pocket Jeunesse, 416 pages, 16,90 €. L’auteure sera présente au Salon du livre de Paris.

  • « Warcross », la réalité virtuelle au cœur de la fiction

« Warcross », de Marie Lu. / POCKET JEUNESSE

Auteure américaine d’origine chinoise, Marie Lu s’est fait connaître avec sa trilogie dystopique Legend et place régulièrement ses œuvres en tête de la liste convoitée des best-sellers du New York Times. Véritable référence du roman pour jeunes adultes, elle s’est vu récemment confier par DC Comics la rédaction d’un roman qui raconte l’adolescence de Batman.

Avec Warcross, pas de superhéros, mais Emika, orpheline et hackeuse surdouée devenue chasseuse de primes à New York pour survivre. Dans le monde d’Emika, la planète est devenue accro d’un jeu de réalité virtuelle, Warcross. Inventé par Hideo Tanaka, un jeune prodige japonais, le jeu en réseau a pris une telle ampleur qu’il fait partie intégrante du quotidien des gens : le niveau des joueurs leur donne accès à des privilèges et un statut dans la vie réelle. Les plus doués participent au tournoi annuel, un événement suivi par des milliards de personnes sur la planète. Lorsqu’Emika piratera une partie du championnat pour dérober un artefact de valeur et le revendre sur le marché noir, elle va être recrutée comme joueuse et se retrouver plongée au cœur d’une machination.

Le roman, qui n’est pas sans rappeler le jeu Warcraft ou le film RollerBall, prend le parti assez habile d’illustrer le piratage, le darknet et les cyber-luttes à travers un jeu vidéo. Bien que futuriste et transhumaniste, le thriller s’appuie sur des risques plutôt contemporains.

« Warcross », de Marie Lu, éditions Pocket Jeunesse, 416 pages, 18,50 €.

  • « La faucheuse », plongée mortelle

« La faucheuse », de Neal Shusterman. / POCKET JEUNESSE

Bienvenue dans l’ère de la post-mortalité, où les humains, grâce aux progrès de la médecine, ne sont plus voués à mourir et peuvent même rajeunir à l’envi. C’est le point de départ de la trilogie de Neal Shusterman, dont le tome II paraîtra la veille de l’ouverture du Salon du livre de Paris, et qui est en cours d’adaptation sur grand écran par les studios Universal. Dans cette série, la société vit globalement en paix depuis 2042, date à laquelle « la puissance informatique est devenue infinie […] Le Cloud devint le Thunderhead. Désormais tout ce qu’il faut savoir à propos d’absolument tout réside dans sa mémoire quasi infinie, en libre-service ».

C’est ce nuage informatique surpuissant qui régit administrativement et politiquement les humains. La criminalité est en berne mais un problème subsiste : la surpopulation, du fait de l’immortalité. Pour y pallier, l’humain est désormais chargé d’une seule tâche, celle de réguler sa population. Pour cela, des faucheurs sont désignés pour condamner certains de leurs congénères. Une tâche qui leur demande de faire preuve d’impartialité et de bon sens. Mais les condamne à vivre en marge.

Ni cynique ni mièvre, Neal Shusterman questionne l’humain face à la mort mais aussi ses peurs. C’est en devenant apprentis faucheurs que ses deux jeunes héros, Rowan et Citra, apprendront la cupidité humaine, la moralité mais aussi que les tâches les plus difficiles peuvent se mener avec justice.

« La faucheuse », tome II Thunderhead, de Neal Shusterman, éditions Robert Laffont, 576 pages, 19,50 €.

L’auteur sera présent au Salon du livre de Paris.

  • « A la place du cœur », émois adolescents

« A la place du cœur », saison 3, d’Arnaud Cathrine / EDITIONS ROBERT LAFFON

L’écrivain et parolier Arnaud Cathrine a achevé, début mars, sa trilogie qui s’ouvrait en janvier 2015, la même semaine que les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et l’Hyper-casher. Dans le premier tome, le lecteur faisait connaissance avec Caumes, un ado provincial de 17 ans qui vivait ses premières expériences amoureuses alors que des terroristes semaient la mort à Paris. Le livre mêlait pulsions de vie et songes sur la violence et le chaos. La suite contait, aux travers des yeux de ses amis, comment ces événements qui ont endeuillé la France ont pu changer le jeune homme, sa difficile convalescence jusqu’aux événements de Saint-Denis et du Bataclan.

Plusieurs témoignages et ouvrages, y compris à destination des adolescents, ont évoqué ces événements. Arnaud Cathrine les aborde avec délicatesse.

« A la place du cœur », saison 3, d’Arnaud Cathrine, éditions Robert Laffont, 304 pages, 16,50 €.

L’auteur sera présent au Salon du livre de Paris.

  • « Nous les filles de nulle part », insurrection féministe

Nous les filles de nulle part », d’Amy Reed. / EDITION ALBIN MICHEL

C’est un livre écrit après l’affaire Brock Turner, pointant du doigt l’impunité des violeurs aux Etats-Unis, qui entre en résonance avec le mouvement #metoo. Ce roman écrit par Amy Reed raconte comment des lycéennes de tous milieux sociaux vont prendre leur revanche sur un groupe de camarades violeurs, briser la loi du silence et réclamer le respect des hommes.

L’étincelle de cette revanche est déclenchée par Grace, fille de pasteur qui vient de déménager à Prescott et intégrer un nouveau lycée. Dans sa nouvelle chambre, elle découvre des mots gravés sur le mur : « Aidez-moi. Tuez-moi, je suis déjà morte ». Ils sont de Lucy, violée par des garçons populaires du lycée et traitée de menteuse, puis forcée à fuir la ville avec ses parents.

Nous les filles de nulle part raconte des jeunes femmes plurielles, de caractère, qui défendent une sexualité épanouie et loin des clichés. Amy Reed évoque aussi avec justesse la question du viol et du consentement. En souhaitant redonner du courage à ses jeunes lectrices, l’auteure américaine prouve également que la littérature adolescente ne se résume pas à des romances sucrées mais qu’elle a un véritable rôle à jouer dans l’émancipation de ses lecteurs et lectrices.

« Nous les filles de nulle part », d’Amy Reed, éditions Albin Michel, 544 pages, 19 €.