Robert Schlesinger / picture alliance

Les Jeux paralympiques qui se tiennent jusqu’au 18 mars à Pyeongchang, en Corée du Sud, forcent ­l’admiration. Il en est ainsi deux fois tous les quatre ans, lors des Jeux olympiques d’hiver, puis des Jeux d’été, brèves périodes durant lesquelles les personnes en situation de handicap sont à l’honneur. Le reste du temps, c’est l’inverse qui se produit. Pour trouver un travail, être promus à leur juste valeur, il leur est extrêmement difficile de convaincre, même si leur handicap ne restreint qu’un nombre limité de fonctions (ne pas pouvoir marcher pour un paraplégique) et laisse ­entières les autres (réfléchir, échanger, décider pour ce même invalide).

En France, les actifs en situation de handicap sont ainsi deux fois plus au chômage que la moyenne nationale. La conférence « Emploi & handicap : explorer la notion d’inclusion pour aller plus loin », coorganisée par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et Le Monde, le 14 mars, à l’auditorium du Monde, à Paris, a pour objectif de trouver des pistes d’amélioration.

Et il y en a. Ne serait-ce qu’en s’inspirant de certaines pratiques mises en place dans d’autres pays développés. Selon l’étude « Maladie, invalidité et travail : surmonter les obstacles », publiée en 2010 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), toujours d’actualité, la France s’avère moins inclusive que la plupart des pays de l’ouest de l’Europe, qu’il s’agisse des pays scandinaves, toujours à l’honneur en matière de politique sociale, mais aussi de l’Autriche ou de l’Allemagne. Quant au Royaume-Uni, si sa politique est moins généreuse ­financièrement, elle est en revanche plus efficace pour inclure les handicapés dans la vie active.

« Une stratégie gagnante-gagnante »

Or, il semble qu’il y ait désormais un consensus au sein des pays développés pour mener des politiques qui ne soient plus seulement compensatoires, mais inclusives. Parce qu’« aider cette population à travailler est une stratégie ­gagnante-gagnante pour lutter contre l’exclusion, augmenter leurs revenus, tout en améliorant le vivier de personnes compétentes ainsi que la situation économique à long terme », explique l’OCDE en préface de l’étude.

Les pistes de progrès sont multiples. Elles ­concernent l’environnement du monde du travail tout d’abord. Avec, en priorité, l’accès à l’éducation et à la mobilité. En France, près de la moitié des handicapés n’ont pas dépassé le ­niveau du brevet, contre moins de 30 % pour l’ensemble de la population. Les plus brillants intellectuellement se heurtent à des questions d’équipement, quand ce n’est pas à l’hostilité de certains enseignants. Si « les progrès ont été fulgurants en dix ans », comme l’affirmait Nathalie Mons, ­professeure de sociologie à l’université de ­Cergy-Pontoise, en février 2016, dans une note du Conseil national d’évaluation du système scolaire – qu’elle préside –, « certaines failles béantes demeurent », reconnaît-elle. Comme le manque de formation des enseignants non spécialisés à l’accueil de ces enfants.

Une formation qu’il faudrait généraliser à tous les citoyens, futurs collaborateurs ou employeurs de personnes en situation de handicap. Pour qu’elles ne se sentent pas stigmatisées et finissent pas trouver un emploi qui leur ­convienne. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Une enquête nationale sur l’emploi des personnes handicapées, publiée en mai 2017 par le site Talents Handicap, indiquait que 72 % des personnes handicapées interrogées n’étaient pas du tout satisfaites de leur situation professionnelle, 23 % se déclarant même désespérées, dans l’impossibilité de retrouver un emploi. « Un candidat handicapé (bien que la nature de son handicap soit ignorée de l’employeur) obtient quinze fois moins de réponses positives qu’un candidat de référence [d’après une enquête menée par l’Observatoire des discriminations en 2005] », observait à l’époque Jean-François Amadieu, son directeur. Mais la situation semble toujours alarmante puisque 37 % des saisines adressées au ­Défenseur des droits relatives au handicap ­concernent l’emploi. « Dans la majorité des dossiers qu’il traite, le Défenseur des droits constate que l’obligation d’aménagement raisonnable des employeurs à l’égard des travailleurs handicapés n’est pas respectée », selon un communiqué ­publié par cette institution le 13 décembre 2017.

De fait, près de la moitié des lieux de travail ­actuels sont inaccessibles aux personnes en fauteuil roulant : largeur des portes insuffisante, escaliers ou absence de sanitaires adaptés, selon une étude OpinionWay pour l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt).

Conscient de cette situation, le gouvernement entend simplifier les procédures et s’engager dans une démarche positive. Pour enfin tirer plus largement parti de cette Force de la différence (PUF, 2012) chère au sociologue Norbert Alter.

Ce supplément est réalisé dans le cadre d’un partenariat avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Au programme

Conférence « Emploi & Handicap : explorer la notion d’inclusion pour aller plus loin »
Mercredi 14 mars, de 9 heures à 11 heures. Auditorium du Monde, 80, boulevard Auguste-Blanqui, Paris 13e.
Introduction : Gilles van Kote, ­directeur délégué au développement du Groupe Le Monde. Anne Baltazar, présidente de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).
Table ronde : Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de ­football professionnelle. Bachir ­Kerroumi, chargé de mission ­Résilience urbaine à la Mairie de Paris. Etienne Klein, philosophe des sciences, directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Deza Nguembock, fondatrice de l’agence Esthétique et handicap (E & H Lab).
Débat animé par Annie Kahn, ­journaliste au Monde.