Un agent de police garde l’entrée du pub The Mill, où Sergeï Skripal et sa fille se sont rendus avant de présenter des signes d’empoisonnement, à Salisbury, le 12 mars. / HENRY NICHOLLS / REUTERS

Qu’un agent double russe et sa fille se fassent empoisonner en plein Salisbury, petite ville tranquille du sud de l’Angleterre, était déjà embarrassant pour le gouvernement de Theresa May. Qu’il ait fallu une semaine pour mettre en garde la population locale contre un risque potentiel de contamination ne va pas faciliter la tâche de la première ministre britannique, déjà accusée de mollesse pour son refus de montrer explicitement du doigt la Russie de Vladimir Poutine.

Dimanche 11 mars, sept jours après que Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Youlia, 33 ans, ont été découverts inconscients sur un banc dans un quartier commerçant de Salisbury, les autorités sanitaires ont révélé que des traces de contamination à l’agent innervant qui leur a été administré ont été retrouvées au restaurant italien Zizzi et au pub The Mill. Les victimes, hospitalisées en soins intensifs et dont l’état était jugé, dimanche, « critique mais stable », avaient fréquenté ces établissements avant de tomber dans le coma. Les quelque 500 autres clients qui s’y sont rendus les 4 ou 5 mars ont été invités à nettoyer tous leurs vêtements et objets personnels.

Sanctions financières

Des consommateurs, interrogés par la BBC, ont protesté contre ces conseils tardifs, ayant parfois oublié quels vêtements ils portaient ces jours-là. Il n’y a « aucune raison de paniquer », a tenté de les rassurer le National Health Service, le service national de santé, qualifiant de « faible » le risque de contamination et assurant que les précautions prises étaient de type « ceinture et bretelle ».

La nature du poison – dont l’analyse pourrait trahir l’origine – n’a pas été rendue publique par les autorités, alors que plus de 250 policiers antiterroristes appuyés par 180 militaires analysent plus de 240 indices et 200 témoignages. Outre le restaurant et le pub, la maison de Sergueï Skripal, à Salisbury, et le cimetière de la ville, où sont enterrés son épouse et leur fils morts récemment, font l’objet d’investigations. Le mystère reste entier sur le mode d’administration du poison : livré à domicile par colis ? Introduit dans un bouquet de fleurs au cimetière visité par l’ancien espion, le 1er mars, à l’occasion de l’anniversaire de son fils ? Apporté par Youlia, arrivée récemment de Moscou, dans un « cadeau offert par des amis » ?

Pour Theresa May, l’état de santé « grave mais stable » de Nick Bailey, le policier hospitalisé après avoir porté secours aux victimes, est un autre sujet de préoccupation, accroissant la pression pour qu’elle hausse le ton vis-à-vis de la Russie, lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale, lundi 12 mars. « Si l’implication d’un Etat étranger venait à être prouvée (…), le gouvernement répondrait de manière appropriée », a répété, dimanche, le ministre des finances, Philip Hammond, à la BBC. Modéré, il a rejoint ses collègues des affaires étrangères, Boris Johnson, et de la défense, Gavin Williamson, qui réclament des sanctions financières contre Moscou dont l’implication pourrait être difficile à prouver.

D’ailleurs, le Parti conservateur au gouvernement pourrait avoir, tout comme les clients du Zizzi ou du pub The Mill, à laver son linge sale : selon le Times, les tories ont perçu, depuis 2010, plus de 3 millions de livres (3,4 millions d’euros) de dons d’hommes d’affaires russes et de lobbyistes souvent liés au régime Poutine.