Nikki Haley a prévenu, pour sa part, que si le Conseil n’agissait pas sur la Syrie, Washington était « prêt à agir si [il le] dev[ait] ». / MIKE SEGAR / REUTERS

Trois semaines après le début de l’offensive des forces de Bachar Al-Assad et de ses alliés sur la Ghouta orientale, le 18 février, pour reconquérir l’enclave rebelle qui constitue le dernier fief des insurgés près de Damas, et malgré l’instauration d’une « trêve humanitaire quotidienne », les forces du régime poursuivent leur avancée tandis que la communauté internationale demeure impuissante.

Washington « prêt à agir »

Les Etats-Unis ont déposé, lundi 12 mars, à l’ONU une nouvelle résolution pour un cessez-le-feu immédiat, en dénonçant l’attitude de Moscou et Damas qui « n’ont jamais eu l’intention d’appliquer » une trêve, selon l’ambassadrice Nikki Haley. Ce nouveau texte est « simple, contraignant » et « ne permet aucun contournement », a-t-elle ajouté devant le Conseil de sécurité.

Nikki Haley a prévenu que si le Conseil n’agissait pas sur la Syrie, Washington était « prêt à agir ». « Ce n’est pas la voie que nous préférons, mais c’est une voie que nous prendrons, ainsi que nous l’avons démontré, et que nous sommes prêts à reprendre », a-t-elle dit devant le Conseil de sécurité, faisant allusion aux frappes de missiles ordonnées par Donald Trump sur une base de l’armée syrienne à la suite d’une attaque chimique contre la localité de Khan Cheikhoune en avril 2017.

Pour la France, Moscou doit user de son influence sur Assad

De son côté, la France a demandé à la Russie de faire « arrêter le bain de sang » en Syrie. Juste avant une réunion du Conseil de sécurité, consacrée à la trêve non appliquée dans ce pays, l’ambassadeur français à l’ONU, François Delattre, a déclaré :

« Nous savons que la Russie, compte tenu de son influence sur le régime, compte tenu aussi de sa participation aux opérations, a la capacité de convaincre le régime par toutes les pressions nécessaires d’arrêter cette offensive terrestre et aérienne. Il est naturel qu’aujourd’hui, à ce stade de la crise les regards se tournent vers elle. »

Dans une réponse à l’interview donnée par François Hollande au Monde, le président de la République, Emmanuel Macron, a précisé que, sous « pression de la France », la Russie a accepté de ne pas opposer son veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU réclamant le 24 février une trêve de trente jours en Syrie, tout en reconnaissant que cette résolution n’était, pour l’heure, pas appliquée.

Dans leur discours, les Etats-Unis ont cité « 22 fois » la Russie, la France « 16 fois », le Royaume-Uni « 12 fois », a déploré Vassily Nebenzia, l’ambassadeur russe à l’ONU. / MIKE SEGAR / REUTERS

La Russie refuse d’être mise en cause

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, s’est insurgé contre la mise en cause de son pays par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. Ce sont des « reproches sans fin contre la Russie », a-t-il dénoncé.

C’est une « ligne politique » qui « n’est pas motivée par des considérations humanitaires », a poursuivi le diplomate russe, en laissant entendre que ces pays occidentaux cherchent avant tout à défendre des groupes opposés au régime de Damas.

La résolution 2401 de fin février ne prévoyait pas « de cessez-le-feu immédiat » mais cherchait à établir un processus de moyen terme et concernait toute la Syrie, a aussi affirmé Vassily Nebenzia. Damas « a le droit de se défendre contre des terroristes », a-t-il fait valoir.

L’ONU réclame des évacuations humanitaires

Lors d’un exposé sur la non-application de la trêve exigée il y a quinze jours par le Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réclamé un accès humanitaire immédiat dans la Ghouta orientale.

Le régime a repris le contrôle « de 60 % » des zones détenues jusqu’alors par des groupes rebelles, a précisé le patron des Nations unies. Au début, son offensive se déroulait dans des zones peu peuplées, ce n’est plus le cas aujourd’hui, a poursuivi Antonio Guterres, en soulignant qu’il est devenu « urgent de permettre des évacuations humanitaires » dans cette banlieue de Damas.

Sans citer la Russie, il a aussi appelé « tous les Etats » à faire en sorte que la trêve soit appliquée et que de l’aide internationale parvienne aux civils.

Situation dramatique

La plus grande ville de la région, Douma, est confrontée à une catastrophe humanitaire sans précédent en raison de l’afflux de milliers de personnes fuyant la progression des forces gouvernementales et les bombardements incessants dans le reste de la Ghouta orientale, a annoncé son conseil municipal.

Plus de 1 000 personnes ont besoin d’une évacuation médicale urgente dans la partie rebelle de l’enclave rebelle, a déclaré Linda Tom, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) à Damas. Selon l’OCHA, figurent 77 « cas prioritaires » parmi le millier de malades ou de blessés réclamant une évacuation urgente du bastion rebelle encerclé.

Selon les bilans avancés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) et Médecins sans frontières (MSF), les raids aériens et tirs d’artillerie de l’armée syrienne ont tué 1 162 civils, dont 241 enfants, depuis le début de l’offensive du régime syrien. L’enclave rebelle dans la Ghouta, où vivent environ 400 000 personnes, est assiégée depuis 2013.

Toujours plus d’enfants tués dans la guerre

De plus en plus d’enfants périssent dans la guerre en Syrie, annonce le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Dans un rapport publié lundi 12 mars, l’Unicef souligne une augmentation de 50 % du nombre d’enfants tués en 2017 par rapport à l’année précédente. L’Unicef constate que l’année 2018 s’annonce plus sombre encore.

Près de 200 enfants ont été tués dans l’enclave rebelle de la Ghouta orientale depuis février dans des bombardements des forces du régime, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Les enfants représentent 20 % des victimes civiles de cette offensive, selon l’OSDH.

Selon l’Unicef, quelque 3,3 millions d’enfants sont exposés aux engins explosifs à travers le pays, tandis que des dizaines d’écoles ont été touchées en 2017 seulement.