Des manifestants mahorais, lundi 12 mars, à l’arrivée d’Annick Girardin, la ministre des outre-mer. / ORNELLA LAMBERTI / AFP

La Marseillaise retentit sur la place de la République de Mamoudzou, la préfecture de Mayotte, entonnée à pleins poumons par les milliers de manifestants qui viennent de défiler dans les rues de la ville à l’appel du collectif et de l’intersyndicale à la tête du mouvement social engagé depuis le 20 février. Il est midi, mardi 13 mars, la manifestation se disperse dans le calme, les chants et les danses. Malgré l’improvisation de cette initiative et les barrages maintenus dans toute l’île, le succès a été au rendez-vous. La veille, à peine quelques centaines de personnes s’étaient déplacées au même endroit, à l’arrivée de la ministre des outre-mer, Annick Girardin.

Après l’échec de ses tentatives, lundi, pour engager le dialogue avec les représentants du mouvement, la ministre a décidé de rester sur place et leur a lancé un nouvel appel à se rencontrer. Toute la soirée et toute la nuit de lundi à mardi, des émissaires se sont efforcés de renouer le contact après la position de fermeté affichée la veille par le collectif. Selon nos informations, Mme Girardin s’est même entretenue au téléphone avec le député (LR) de Mayotte, Mansour Kamardine, personnalité de poids sur la scène politique mahoraise, mais qui était jugé jusqu’à présent persona non grata.

Un dialogue sur le fil

Au fil de la soirée, les positions ont commencé à évoluer et, mardi matin, le cabinet de la ministre faisait savoir que les élus et l’intersyndicale avaient accepté un rendez-vous à 14 heures à la résidence du préfet. Peut-être une première avancée dans la reprise du dialogue, fragile, à la merci de la moindre faute de carre. Et, chez les manifestants, cette décision est diversement reçue. Certains estiment qu’il est temps d’engager des discussions, tout en restant fermes sur les conditions de ce dialogue. Ils veulent juger sur pièces de la sincérité des engagements pris par Mme Girardin.

Beaucoup, cependant, restent convaincus que la ministre des outre-mer n’est pas légitime, qu’elle n’a aucun pouvoir, et exigent la venue du premier ministre ou du ministre de l’intérieur. Alors que le défilé traverse la ville dans le calme, un soudain mouvement de foule survient aux abords du conseil départemental. Plusieurs centaines de manifestants s’engouffrent dans le bâtiment en apparence vide puisque les personnels sont en grève.

Rendez-vous déterminant

En fait, une information a circulé selon laquelle la délégation d’élus et de l’intersyndicale qui doit rencontrer la ministre des outre-mer et les trois missionnaires chargés d’engager un travail de long terme est en train de se réunir à l’intérieur pour préparer ce rendez-vous. Les manifestants leur intiment l’ordre de quitter les lieux. A leurs yeux, ils ne sont pas légitimes.

L’incident témoigne de la tension au sein du mouvement et de la fragilité des tentatives de discussion. Certains éléments campent sur une position radicale et, au « dialogue » souhaité par la ministre, répondent « négociation » sur la base de la plate-forme de soixante et une propositions élaborée par le collectif.

Quoi qu’il en soit, le rendez-vous de mardi après-midi peut s’avérer déterminant. Certains responsables de l’intersyndicale n’hésitent pas à faire savoir que, si les engagements de la ministre et de la mission n’étaient pas à la hauteur, ce qui remettrait en question leur légitimité, ils se retireraient du mouvement. Qui pourrait alors échapper à tout contrôle.