Le musée créé par Peggy Guggenheim à Venise. / PETER HAAS/CC BY-SA 3.0

La Cour de cassation a rejeté le 7 mars le pourvoi introduit par Sandro Rumney et ses trois fils contre un précédent jugement rendu par la cour d’appel de Paris en 2015. Le tribunal donne ainsi quitus à la Fondation Solomon R. Guggenheim de New York, qui administre depuis sa mort le musée créé par Peggy Guggenheim (1898-1979), nièce de Solomon, mais aussi grand-mère de Sandro Rumney, dans son palais de Venise.

La collectionneuse américaine y avait installé sa collection, soit 326 œuvres de grands peintres abstraits et surréalistes, dont un au moins, Max Ernst, fut son mari, et quelques autres ses amants. Peggy a eu deux enfants, un fils, Sindbad, et une fille, Pegeen. Les descendants de cette dernière, qui forment la branche française de la famille, estiment que la Fondation Solomon Guggenheim fait un mauvais usage du legs de leur grand-mère. Ceux de Sindbad soutiennent au contraire la fondation américaine. C’est d’ailleurs l’une d’entre eux, Karole Vail, qui dirige, depuis quelques mois seulement, le musée vénitien.

Une violation de sépulture

Les griefs des héritiers français sont de deux sortes : l’esprit originel de la collection a été selon eux dénaturé par l’ajout d’œuvres d’autres provenances, avec inscription à côté du nom de leur grand-mère et arrière-grand-mère de ceux des nouveaux donateurs ; le jardin, où Peggy est enterrée (au côté de ses chiens !) sert parfois à organiser des cocktails lors des vernissages, ce qui de leur point de vue est une violation de sépulture.

Un premier procès, en 1994, avait été interrompu par un règlement à l’amiable, mais il était survenu avant les changements précités. Depuis, les plaignants avaient découvert que les œuvres collectionnées par leur grand-mère avaient été déplacées au profit d’autres, données par Hannelore et Rudolph Schulhof, dont le nom figure désormais sur une plaque à côté de celui de Peggy. En outre, le jardin où Peggy repose est occupé par des sculptures, pour l’essentiel provenant de la collection Patsy et Raymond Nasher.

Le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés une première fois, en 2014. Ils ont interjeté appel en 2015, arguant de ce que, comme dans l’affaire Henri Langlois (en 1997, un tribunal avait reconnu, à propos d’un accrochage du fondateur de la Cinémathèque, qu’une exposition, même faite avec les œuvres des autres, pouvait être considérée comme « une œuvre de l’esprit », et protégée à ce titre), le droit moral inaliénable de Peggy Guggenheim, et donc de ses héritiers, devait être respecté. La cour d’appel ne les a pas suivis sur ces points, et la Cour de cassation vient de lui donner raison.