Le chef de l’Etat tchadien, Idriss Déby Itno, accueille le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, au palais présidentiel à N'Djamena, lundi 12 mars 2018. / JONATHAN ERNST/AP

Le Tchad est un « partenaire important » dans la lutte contre le djihadisme, a déclaré, lundi 12 mars, le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, à N’Djamena, où il a exprimé sa volonté de normaliser les relations avec le pays placé sur liste noire américaine en septembre 2017.

Le secrétaire d’Etat s’est dit inquiet de la présence d’« éléments de l’Etat islamique [EI] » dans le Sahel. « Nous avons réussi à vaincre l’EI en Irak et en Syrie, […] nous savions que ses combattants se rendraient en Afrique. Ils se sont établis dans plusieurs régions », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse, tout en rappelant le soutien américain à la force multinationale du G5 Sahel, pour laquelle Washington a promis un appui financier de 60 millions de dollars (48,65 millions d’euros).

La conférence de presse faisait suite à un entretien à huis clos entre Idriss Déby Itno, Rex Tillerson et d’autres représentants des deux pays. Le président tchadien « a salué l’appui multiforme des Etats-unis au Tchad dans les domaines militaires et sécuritaires », a déclaré son ministre des affaires étrangères, Mahamat Zene Cherif.

« Pour plus d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme, Idriss Déby a insisté sur l’urgence de trouver une solution politique à la crise libyenne, et a exprimé sa vive préoccupation par rapport à la transformation de la Libye en un repaire de djihadistes de tous les horizons », a ajouté le ministre tchadien.

Allié de l’Occident dans la lutte contre les djihadistes opérant au Sahel, le Tchad est jusqu’à présent resté relativement épargné par les attentats qui touchent de nombreux pays de la région. Ses forces déployées autour du lac Tchad pour combattre le groupe nigérian Boko Haram ont néanmoins été régulièrement la cible d’attentats-suicides.

Les wahabites, soutenus par des fonds venus d’Arabie saoudite, ont par ailleurs acquis une influence grandissante sur l’islam local ces dernières années, via leur réseau de mosquées et d’écoles coraniques.

Selon une source militaire tchadienne, les Etats-Unis disposent d’une unité de drones basée à l’aéroport de N’Djamena pour surveiller le Sahel. Ils soutiennent la force multinationale mixte (FMM) dans la lutte contre Boko Haram, participent à la formation de militaires tchadiens et fournissent du matériel à l’armée.

Les Tchadiens désormais indésirables aux Etats-Unis
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Rex Tillerson est par ailleurs revenu sur l’interdiction de voyager aux Etats-Unis frappant les ressortissants tchadiens depuis que le pays a été placé, en septembre 2017, par Washington sur une liste noire. « Les mesures qui ont été prises sont nécessaires en raison du conflit qui existe aux frontières du Tchad », a-t-il justifié. La visite effectuée dans le pays par des représentants du département d’Etat américain en décembre 2017 en vue de « renforcer le contrôle sur les passeports » et le « partage d’informations » pourrait permettre de retirer le Tchad de cette liste noire, a ajouté M. Tillerson, ancien PDG d’ExxonMobil, une société qui exploite le pétrole tchadien et avec laquelle N’Djamena a eu des relations houleuses.

Lutte contre Boko Haram

Après son étape tchadienne, Rex Tillerson a achevé sa première tournée africaine à Abuja le même jour. Il a exprimé son « soutien total » au Nigeria dans la « lutte contre Boko Haram », quelques semaines après la conclusion d’un contrat d’armement de quelque 400 millions d’euros entre les deux pays.

Le président Muhammadu Buhari, élu en 2015 sur la promesse de mettre fin à l’insurrection djihadiste, ne cesse de répéter que Boko Haram est « techniquement défait ». Son ministre des affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, a toutefois espéré, lors d’une conférence de presse donnée avec le secrétaire d’Etat américain, que la vente de matériel militaire, notamment d’avions d’attaque au sol Super Tucano A-29, puisse « changer la donne » dans la lutte contre le groupe djihadiste au Nigeria.

En effet, l’enlèvement de 110 écolières en février à Dapchi, dans l’Etat de Yobe, que M. Tillerson a qualifié de « déchirant », a mis en lumière les importantes failles sécuritaires qui persistent dans le nord-est du pays. Les attaques de Boko Haram et la répression par l’armée ont fait plus de 20 000 morts tandis que 1,6 million de personnes ne peuvent toujours pas rentrer dans leur foyer.

De son côté, le président Buhari a remercié les Etats-Unis pour leur « assistance » dans un communiqué, soulignant que les forces armées nigérianes sont « bonnes mais ont besoin de soutien dans [leur] formation et [leur] équipement ».

Annoncé dès mai 2016, l’achat d’armes aux Etats-Unis avait été gelé par l’administration démocrate de Barack Obama, dans les derniers jours de la présidence, après le bombardement accidentel par l’armée nigériane d’un camp de déplacés qui avait tué 112 civils à Rann, dans le nord-est du pays, en janvier 2017.

M. Tillerson a achevé sa première tournée africaine un jour avant la date annoncée, du fait de son emploi du temps chargé à Washington et pour raisons de santé. Avant le Tchad et le Nigeria, elle l’avait conduit au Kenya, à Djibouti et en Ethiopie.