« Nous sommes inquiets mais pour l’instant, on ne perçoit pas de vrai ­impact. » Andres Perez Ruiz, directeur du MBA de la Cass Business School, à Londres, résume le point de vue général des MBA britanniques face au Brexit. Tous se disent extrêmement vigilants, craignant de possibles conséquences négatives à l’avenir. Mais jusqu’à présent, tout va bien. « On se rapproche de l’heure des choix sur le Brexit, et une décision hâtive du gouvernement peut toujours se produire », redoute John Colley, qui dirige le MBA de la Warwick Business School.

L’inquiétude concerne en particulier la réduction de l’immigration, que le gouvernement de Theresa May a érigée en objectif prioritaire. « L’une des questions débattues est de savoir s’il faut compter les étudiants étrangers dans les statistiques de l’immigration, explique Andres Perez Ruiz. On espère que ce ne sera finalement pas le cas, mais ce n’est pas certain. » Il estime aussi que les étudiants qui paient des frais universitaires de MBA, autour de 50 000 euros (sur deux ans), ne seront pas les premiers touchés par les restrictions.

Il n’y a eu aucun effet repoussoir depuis ce fatidique référendum du 23 juin 2016.

Bien sûr, le Brexit n’a pas encore eu lieu. Les éventuels changements concernant le système d’immigration, les liens commerciaux ou encore les relations avec le réseau universitaire européen ne se sont pas produits. Mais les MBA britanniques peuvent au moins se rassurer avec un élément tangible : il n’y a eu aucun effet repoussoir depuis ce fatidique référendum du 23 juin 2016. Leur nombre d’étudiants européens reste le même qu’avant : autour de 10 % pour les MBA à temps plein (« full time ») et de 25 % pour les MBA pour cadres (en formation continue).

Cette stabilité se vérifie pour l’ensemble des universités, bien au-delà de ces programmes d’élite : dans les mois qui ont suivi le référendum, face à la confusion généralisée, les candidatures des étudiants européens avaient baissé mais elles ont depuis rebondi à peu près au même niveau.

Nombreuses start-up

A écouter les étudiants en MBA, le Royaume-Uni conserve tout son pouvoir d’attraction, Brexit ou pas. Robbie Wiedenmann a la double nationalité allemande et américaine. Il a grandi à Munich mais travaillait à Boston pour le cabinet de consultants KPMG avant d’entamer un MBA à la London Business School l’an dernier. Il regrette profondément le Brexit, lui qui se décrit comme un Européen convaincu, mais estime avoir trouvé tout ce qu’il cherchait dans la capitale britannique :

« Après six ans aux Etats-Unis, la vie en Europe me manquait mais je ne voulais pas perdre le dynamisme et l’excitation de Boston et Washington. Pour moi, Londres représente le meilleur des deux mondes. »

L’excellente réputation de la London Business School – dont le MBA est classé au quatrième rang mondial par le Financial Times – a fait le reste. « Ma classe de 463 étudiants comprend 61 nationalités », s’enthousiasme le jeune cadre. Il confie même une certaine curiosité à vivre à Londres en plein cœur de cette violente secousse politique.

Même constat pour Laure Kroely, une étudiante française du même MBA, dans la promotion précédente. Elle avait choisi Londres avant le résultat du référendum, mais cela n’a rien changé, estime-t-elle : « Brexit ou pas, Londres reste un endroit incroyablement divers et dynamique. » La présence de nombreuses start-up la motive particulièrement, elle qui souhaite travailler dans les nouvelles technologies.

Tout le monde surveille de très près les futures règles d’immigration. Aujourd’hui, un étudiant européen au Royaume-Uni paie les mêmes frais qu’un Britannique (autour de 10 500 euros) ; il est possible que cela ne soit plus le cas après le Brexit. Ce souci ne concerne cependant pas directement les MBA, dont les frais sont cinq fois plus élevés. Mieux encore, la dépréciation de la livre sterling de 15 % depuis le référendum rend ces cursus (un peu) moins chers pour les étrangers. « Le taux de change a joué en notre faveur », reconnaît Gareth Howells, directeur du MBA de la London Business School.

Une incertitude inédite

En revanche, l’inquiétude est plus vive pour les MBA suivis à temps partiel par des cadres (« Executive MBA »). Ces derniers vivent généralement à Londres et prennent sur leurs soirées et leurs week-ends pour mener leurs études à bien. « Ce qui nous inquiète est que les restrictions à l’immigration touchent ces cadres, explique John Colley, de la Warwick Business School. Or, dans ces promotions, notre proportion d’Européens est assez élevée, de l’ordre de 25 %. »

Andres Perez Ruiz rencontre également, à la Cass Business School, un climat d’incertitude dans ces promotions de MBA pour cadres. « Un tel cursus prend deux ans, et il est difficile de planifier si on a peur que son entreprise soit obligée de déménager. »

« Je suis en Grande-Bretagne depuis trois ans et demi, mes enfants sont dans le système scolaire britannique, notre objectif est de rester ici », Andres Perez Ruiz, directeur du MBA de la Cass Business School

Le dernier nuage qui plane au-dessus des MBA concerne les enseignants. Eux aussi sont très largement non-britanniques et l’incertitude sur leur avenir est réelle. Sans même compter le choc psychologique du résultat du Brexit. « J’étais effondré, les jours qui ont suivi le référendum », se rappelle Andres ­Perez Ruiz, qui est espagnol. progressivement, il a, dit-il, été rassuré, d’autant que le gouvernement britannique a désormais trouvé un accord avec l’Union européenne pour garantir le droit de résidence des citoyens européens qui vivaient au Royaume-Uni avant l’entrée en vigueur du Brexit. « Je suis en Grande-Bretagne depuis trois ans et demi, mes enfants sont dans le système scolaire britannique, notre objectif est de rester ici », affirme-t-il.

Et là encore, les MBA seront sans doute les derniers touchés par d’éventuelles restrictions. « Tous nos professeurs ont au moins une thèse et ils sont payés au-dessus du plancher de 30 000 livres par an, qui est le critère pour obtenir un visa ­ “individu hautement qualifié” », raisonne Gareth Howells, de la London Business School.

Reste toutefois que la certitude d’autrefois a été remise en cause. « L’effet du Brexit ne sera pas rapide, estime John Colley. Mais sur le long terme, il peut devenir progressivement plus difficile de recruter des professeurs étrangers. » Jusqu’ici, tout va bien…

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