Une scène du spectacle « The Propelled Heart ». / Queen B Wharton

La chanteuse afro-américaine Lisa Fischer fait palpiter le spectacle The Propelled Heart, créé en 2015 en collaboration avec le chorégraphe Alonzo King. Cette pièce pour douze danseurs, à l’affiche jusqu’au 16 mars du Théâtre de Chaillot, à Paris, est centrée sur la présence et la voix de Fischer, même si celle-ci reste souvent humblement postée en vigie bienveillante sur le côté du plateau. Elle semble taillée sur elle, comme un vêtement qu’on enroule, les mouvements d’ensemble composant un cocon de gestes soyeux.

Que la star des choristes, complice des Rolling Stones depuis 1989 – son duo avec Jagger sur Gimme Shelter a fait des millions de vues sur YouTube –, mais aussi de Sting, Tina Turner, Beyoncé, Aretha Franklin, Lou Reed et beaucoup d’autres, se risque dans un spectacle chorégraphique est une jolie anomalie. « J’ai découvert le travail d’Alonzo au Joyce Theater, à New York, et je suis tombée amoureuse de son flow, raconte-t-elle. Je n’avais jamais travaillé avec une compagnie de danse et j’étais assez anxieuse de créer de la musique pour un spectacle entier. Mais après avoir rencontré Alonzo, j’ai été convaincue par sa chaleur et son ouverture. » Epaulée par son directeur musical JC Maillard, présent en direct pour mixer les sons, Lisa Fischer donne corps et poids à la pensée d’Alonzo King, ici inspiré par le yogi Sri Yukteswar. Sa voix, dans ce qu’elle possède de plus intime, de plus tremblé mais aussi de plus technique et sophistiqué, soulève l’écriture néoclassique spiralée du chorégraphe.

Echanges entre chant et mouvement

Si Lisa Fischer, un micro dans chaque main, mène la troupe des danseurs, elle veille aussi sur eux, tout en les entraînant dans ses vocalises. Pendant les répétitions, elle s’est prêtée au jeu de l’échange, se glissant dans le mouvement pendant que les interprètes apprenaient à chanter. « Mon expérience avec Alonzo et sa troupe est une exploration très profonde et très personnelle qui inclut tout ce qu’il y a autour de moi, confie la chanteuse. Chaque performance est un nouveau voyage plein de magie, alors que, paradoxalement, le cadre de création est très solide. Je plonge dans un rêve à travers le mouvement et la musique. » Elle évoque la sensation d’un « cœur collectif » que sa chanson fétiche How Can I Ease the Pain, qui récolta un Grammy Award en 1992, fait vibrer en profondeur. Passer à l’avant-scène en devenant l’héroïne chorégraphique, discrète mais impériale, de l’univers élégant et spirituel d’Alonzo King est un destin qui va décidément bien à Lisa Fischer.

The Propelled Heart, de Alonzo King. Théâtre national de Chaillot, jusqu’au 16 mars.