Stephan Balkenhol, Sans titre, 2015. Fusain sur papier, 40 x 30 cm / Courtesy Stephan Balkenhol & Nosbaum Reding, Luxembourg

En mars, le dessin est partout à Paris : au Palais Brongniart, où se déroule le Salon du dessin ; au Carreau du Temple, qui accueille la foire Drawing Now ; mais aussi aux enchères, à Drouot, chez Artcurial, Christie’s et Sotheby’s. Bref, en une semaine, plusieurs milliers de dessins vont se retrouver sur le marché. C’est dire si ce médium plaît aussi bien aux amateurs avertis, comme Florence et Daniel Guerlain, qu’aux primocollectionneurs qui se font les crocs.

Des prix abordables

Le dessin séduit par sa modestie, sa dimension intime et sa diversité. « Il ne ment pas, il ne déçoit pas et le public ne s’y trompe pas », résume Christine Phal, directrice de Drawing Now. Autre attrait, il est abordable. A Drawing Now, les prix s’échelonnent de 1 500 à 10 000 euros.

Le dessin séduit par sa modestie, sa dimension intime et sa diversité

Peu spéculatifs, les dessins d’artistes actuels n’ont pas été tirés vers le haut malgré la frénésie autour de l’art contemporain. On les voit d’ailleurs peu apparaître aux enchères. « Sur les jeunes générations il faut attendre encore un peu la lecture du temps, mais le dessin a toujours suivi la cote des artistes avec un décalage, indique Christine Phal. Si l’on se réfère aux prix atteints par les artistes de renom tels que Miro ou Soulages, on se rend compte que les acheteurs de l’époque ont fait de beaux placements. »

Le dessin est une bonne entrée en matière pour ceux qui rêvent des grands noms de l’art sans en avoir les moyens. Les feuilles du sculpteur allemand Stephan Balkenhol sont proposées entre 2 500 et 3 000 euros à Drawing Now, alors que ses sculptures valent autour de 50 000 euros. Le raisonnement vaut tout autant pour les dessins anciens. Artcurial propose le 21 mars un superbe portrait au pastel de l’écrivain Charles Perrault par Charles Le Brun. Un beau doublé : le premier peintre de Louis XIV représentant l’un des plus grands auteurs de son temps. L’estimation varie entre 70 000 et 100 000 eu­ros. « Le même portrait en peinture serait esti­mé 300 000 euros », indique Matthieu Fournier, de chez Artcurial.

Le succès du dessin ancien

Le succès du dessin ancien ne se dément pas. Pour preuve les prix faramineux décrochés lors de la vente de la ­collection Barnet en janvier dernier, chez Sotheby’s, à New York. On prête au financier et collectionneur Leon Black l’achat à cette occasion du Paysage avec église et bateau de Samuel Palmer et le Portrait d’Alexis-René Le Go par Ingres, adjugés respectivement pour 2,4 millions et 1 million de dollars (2,06 millions et 858 000 euros) « Les gens veulent des choses spéciales, observe Greg Rubinstein, spécialiste chez Sotheby’s. Et “spécial”, ça veut aussi bien dire le dessin de Palmer que celui d’un ­artiste peu connu mais très puissant et d’excellente provenance et des dessins qui résument bien le travail d’un artiste. »

« Les gens veulent ce que les Américains appellent le wall power, des images trophées, de grand format, qui parlent ­d’elles-mêmes »

Le goût va désormais aux images puissantes. « Les gens veulent ce que les Américains appellent le wall power, des images trophées, de grand format, qui parlent ­d’elles-mêmes », note le marchand parisien Emmanuel Marty de Cambiaire. Celui-ci expose au Salon du dessin une tête d’ange de Guido Reni grandeur nature. Des images fortes, le tournant du XIXe siècle et du XXe siècle en abonde, comme cette tête de martyre décapitée de 1913 par André ­Devambez présentée par Talabardon & Gautier au Salon. « Au XIXe siècle, on peut tomber sur des images originales d’artistes moins connus qui se vendent bien, constate Hélène Rihal, spécialiste chez Christie’s. Autant le paysage du type Barbizon est moins à la mode, autant le symbolisme plaît beaucoup. » Christie’s propose ainsi le 21 mars une aquarelle de l’artiste symboliste Gustave Moreau, estimée à 200 000 euros.

Reste un créneau intéressant pour les acheteurs érudits et affûtés : les dessins anonymes

En revanche, les dessins académiques du XIXe siècle n’ont pas la cote. Pour le XVIIe siècle, la sélectivité est de mise. « Watteau ou Fragonard plaisent toujours, mais les dessins français de seconds maîtres sont démodés et très difficiles à vendre », avoue le courtier et conseiller Nicolas Joly. Reste un créneau intéressant pour les acheteurs érudits et affûtés, les dessins anonymes qui un jour trouveront peut-être une attribution. Un pari sur l’avenir, à bas prix.

Salon du dessin, du 21 au 26 mars, Palais de la Bourse, Salondudessin.com Drawing Now, du 22 au 25 mars, Le Carreau du Temple, Drawingnowparis.com Maîtres anciens, 21 mars, Artcurial, Artcurial.com Dessins anciens et du XIXe siècle, 21 mars, Christie’s, Christies.com Collection Christian et Isabelle Adrien, 22 mars, Sotheby’s, Sothebys.com