Série sur France 3 à 20 h 55

Happy Valley: Extended Trailer | Series 1
Durée : 02:29

Après s’être aguerris à l’écriture de feuilletons populaires et de soap operas quotidiens, les auteurs anglais proposent, depuis quelques années, des séries po­licières ambitieuses et sophistiquées. Telles Scott & Bailey (2011), Line of Duty (2012), Broadchurch (2013), The Fall (2013) et… Happy Valley (diffusée en 2015 sur Canal+) qui arrive sur France 3.

Ces séries, comme les meilleurs romans policiers, assurent action et suspense sur une saison entière (et non épisode par épisode), et surtout, s’attachent à camper des personnages proches de nous, de nos préoccupations et de nos interrogations. En l’occurrence, des personnages aux prises avec des conflits personnels (et non des ersatz de super-héros), totalement ancrés dans la société britannique actuelle.

Une « fiction du réel »

La surprise commence dès le ­début de Happy Valley, lorsqu’une policière arrive ­essoufflée dans un parc et apostrophe un jeune homme pour l’empêcher de s’immoler par le feu : « Je m’appelle Catherine, je suis divorcée. J’ai une sœur ­ex-junkie et deux grands enfants, un fils qui ne me parle plus et une fille… morte. »

On pourrait craindre le pire du sentimentalisme misérabiliste. S’amorce en fait une « fiction du réel » sociale et psychologique autour de cette cinquantenaire divorcée, qui élève son petit-fils, Ryan, depuis que sa fille s’est sui­cidée, et qui, sergente de police, dans une petite ville du Yorkshire, se bat avec détermination contre un ennemi invincible : le trafic de drogue, seule « économie » ren­table de la région. D’où le titre ironique de la série.

On ne saurait qui louer en premier lieu : l’excellente auteure réalisatrice Sally Wainwright (Scott & Bailey, Last Tango in Halifax) ou l’époustouflante Sarah Lancashire (qui interprète la policière, Catherine Cawood), Happy Valley étant d’ailleurs servie par des comédiens tous excellents.

Happy Valley: episode 1 trailer
Durée : 00:31

En six épisodes qui se suf­fisent à eux-mêmes, Sally Wain­wright signe une minisérie plus forte en émotion qu’en ­action, s’attachant au passé de ses person­nages plus qu’aux pro­cédures d’enquête, sondant les relations intrafamiliales plus que la solidité des reins des ­ « méchants ».

C’est en cela qu’elle innove et nous happe : comptent ici non tant les faits que leur suite et leurs conséquences. Celles du viol d’une jeune fille, celles d’une éducation sans amour ni attention, celles du suicide d’un enfant (pour ses ­parents comme pour le reste de la ­famille) ; sont ainsi abordés, avec énormément de finesse, les droits d’une grand-mère à l’égard de son petit-fils, ceux d’un père et dan­gereux criminel sur son enfant, le sentiment d’un employé modeste d’avoir le droit d’envoyer sa progéniture dans une école privée onéreuse, etc.

Sur les épaules de la comédienne Sarah Lancashire pèsent finalement l’histoire d’une communauté déshéritée d’Angleterre et l’héritage intime des trois générations que compte sa famille, engendrant tour à tour chez elle peine, sens des responsabilités, culpabilité, courage, dépression.

Happy Valley, saison 1, créée, coréalisée et coproduite par Sally Wainwright. Avec Sarah Lancashire, James Norton, Siobhan Finneran, Steve Pemberton (GB, 2014, 6 × 52 min).