« La beauté est dans la rue. » Ce slogan montrant une femme en train de jeter un pavé a précisément tenu le haut du pavé, mardi 13 mars, lors d’une vente consacrée aux affiches de Mai 68 chez Artcurial, à Paris, en partant à 3 380 € (frais inclus).

L’une des affiches de Mai 68 vendue aux enchères à Paris, le 13 mars. / ARTCURIAL

Le 15 mai 1968, un atelier d’affiches était créé au sein de l’Ecole des beaux-arts, puis les occupants de l’Ecole des arts décoratifs fondaient à leur tour un « Atelier populaire ». Chaque jour, pendant plusieurs semaines, des assemblées générales y réunissaient artistes, étudiants et travailleurs pour discuter des thèmes et des slogans mis en avant. Les affiches, conçues et produites sur place, étaient ensuite collées sur les murs de la ville. Certaines, mises sous scellés de la Préfecture de police, sont stockées aux Archives nationales à Paris. D’autres, bien que sans valeur marchande, sont immédiatement collectées par des particuliers.

A l’occasion des 50 ans de la révolte estudiantine, une large exposition revient sur cette fabrique d’images de lutte au sein de leur berceau des Beaux-Arts (« Images en lutte. La culture visuelle de l’extrême gauche en France (1968-1974) »), jusqu’au 20 mai. De son côté, la maison de ventes Artcurial vient de disperser la collection de près de 500 affiches rassemblée pendant près de trente ans par le producteur Laurent Storch.

Lire la critique de l’exposition : Mai 68 s’affiche sur les murs des Beaux-Arts à Paris

Cet ancien cadre d’Universal Music et de TF1 a commencé sa collection en 1986, à l’âge de 26 ans. Cette année-là est célébré le 20e anniversaire de Mai 68. Il découvre alors « la force et la beauté de ces affiches (…) collectives et anonymes, politiques et poétiques ». Des œuvres fragiles, conçues pour être éphémères, simples sérigraphies sur papier à la « simplicité contrainte » et à la « force primitive ».

60 % des lots vendus

Avec des prix de base allant de 50 € jusqu’à 3 000 € pour une affiche, Artcurial annonce que 60 % des lots ont été vendus : à des particuliers, des professionnels et des institutions, notamment la Bibliothèque d’Harvard, aux Etats-Unis, pour un total de 161 291 €.

Outre « La beauté est dans la rue », l’autre affiche représentant une figure féminine a fait partie des meilleures ventes : « Les Beaux-Arts sont fermés, mais l’art révolutionnaire est né », slogan accompagné d’un pochoir de La Liberté guidant le peuple, à 1 820 €.

Deuxième enchère la plus haute, « Ne soyez pas des moutons », mêlant graphie et dessin, atteignait 2 470 €. L’un des exemplaire simplement typographiques de « CRS SS » partait à 1 235 €, tandis qu’un autre montrant un CRS la matraque en l’air suivi de « SS » est parti à 1 040 €.

L’une des affiches de Mai 68 vendue aux enchères à Paris, le 13 mars. / ARTCURIAL

Parmi les affiches attribuées à des artistes, « L’imagination prend le pouvoir », de Pierre Alechinsky, a atteint 1 690 €, mais le fameux « Nous sommes tous des juifs errants », signé Bernard Rancillac et montrant le visage au pochoir de Daniel Cohn-Bendit, n’a pas atteint le prix de base de 2 500 €.

La collection Storch incluait aussi des affiches gaullistes, des rééditions de 1988, des affiches clin d’œil encore ultérieures, et même un 45-tours rassemblant des « Poèmes recueillis au comité d’agitation culturelle de la Sorbonne libre en mai et juin 1968 », avec en couverture la reprise de l’affiche « La chienlit c’est lui », représentant le général De Gaulle, partie à 715 €.