« Vous voulez visiter nos locaux ? Inscrivez-vous à notre journée portes ouvertes ». L’invitation est épinglée en tête du compte de l’Ecole de journalisme (ESJ) de Paris. Fière de ses récents investissements, la vieille maison de la profession, « fondée en 1899 », invite tous les étudiants potentiels à découvrir son studio radio, sa régie TV… Tous ? Non, pas les étudiants atteints d’un handicap moteur.

C’est l’amère expérience qu’a vécue Tom Rousset, 22 ans, actuellement dans une université texane, où son handicap moteur ne l’empêche pas d’étudier. Son père, Thierry Rousset, a partagé sur Twitter la réponse que l’école de journalisme a faite à son fils :

« Votre candidature a retenu notre attention. Néanmoins, les locaux de l’école comportent de nombreux escaliers, y compris l’accès de la rue, cela risque d’être compliqué et difficile pour vous… »

Chantal Morant, responsable des admissions, conclut ainsi son message :

« Nous vous remercions de votre intérêt pour notre école et vous souhaitons de réaliser votre projet de formation. Bien cordialement. »

Un défaut d’aménagement

Avant cette fin de non-recevoir, Tom avait pourtant passé sans encombre le parcours de sélection, sur dossier, suivi d’un entretien téléphonique. Interrogée par Le Monde, l’école confirme que ce n’est pas un défaut de compétence académique qui laisse le jeune homme au pied des marches de l’établissement, mais bien un défaut d’aménagement, qui ne permet pas à une personne en fauteuil roulant de s’y déplacer. « Nos locaux ne sont pas en capacité de recevoir des personnes à mobilité réduite », justifie Nathalie Bédé, directrice des relations extérieures de l’ESJ.

Il existe pourtant une loi « pour l’égalité des droits et des chances »

Il existe pourtant une loi, celle du 11 février 2005, « pour l’égalité des droits et des chances », votée sous le quinquennat de Jacques Chirac, qui impose aux établissements scolaires, du primaire au supérieur, de mettre en place toutes les aides et accompagnements nécessaires pour que les élèves handicapés puissent réussir leurs études. C’est donc aux structures de s’adapter aux besoins de la personne, et non l’inverse. Un texte qui a eu pour résultat une hausse significative du nombre d’étudiants du supérieur en situation de handicap, d’environ 10 % par an.

Dix ans après le vote de cette loi, François Hollande affirmait en 2015 que, « lui président », il « augmenterait le nombre d’étudiants handicapés accueillis dans l’enseignement supérieur ». Mais c’est pourtant sous son quinquennat, le 21 juillet 2015, que le Parlement a accordé de nouveaux délais (de trois à neuf ans) pour la mise en accessibilité des lieux publics. Alors qu’en 2016, la France comptait 23 257 étudiants dans l’enseignement supérieur. Deux années plus tard, Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, estime le nombre d’étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur à « 20 000 ». En baisse donc.

L’ESJ de Paris fait partie de ces établissements dont l’investissement pour l’accès aux personnes handicapées n’a pas été une priorité durant la dernière décennie. « Mais c’est notre priorité aujourd’hui. Si notre prochain projet de rénovation ne permet pas l’accueil des personnes à mobilité réduite, nous déménagerons », assure Nathalie Bédé, qui ajoute :

« Nous ne sommes pas la seule école qui n’offre pas d’accessibilité. »

S’agissant de Tom Rousset, la directrice reconnaît et regrette la « réponse brutale et maladroite » faite par son établissement, et assure chercher « une solution, probablement de l’enseignement à distance ». Le père de l’étudiant confirme, sur son compte Twitter, vendredi 16 mars, dans l’après-midi : « On a trouvé une solution ! »