Magasin de baskets à Paris. / RGA

Quelle paire de chaussures Charlotte portera-t-elle avec sa robe d’été ? Des Superstar d’Adidas ? Des Vans ? Les Muse X Strap de Puma ? Aux beaux jours, cette adolescente de 14 ans risque fort de rejeter tous les modèles type ballerines ou nu-pieds pour leur préférer – encore – l’une de ces sneakers. « Les jeunes ne jurent que par cela », reconnaît Jacques Royer, PDG du Groupe Royer, distributeur en France des marques New Balance, Converse et Kickers. Et les femmes se « convertissent aux baskets portés avec une jupe », note ce spécialiste. A tel point qu’il semble désormais difficile de faire oublier à une jeune fille « le confort, la souplesse et la légèreté d’un modèle sport » pour lui préférer un soulier plus fin, en cuir ou similicuir.

« Le marché pour enfants a été très touché par la mode du sport », explique Dorval Ligonnière, directeur des études de la Fédération française de la chaussure. En quatre ans, entre 2013 et 2017, à raison d’une croissance annuelle de 5,3 %, le segment des baskets a gagné 7 points de part de marché en France, pour représenter 63 % des ventes du marché enfantin et 53 % de celles de modèles masculins.

Le marché féminin fait, lui, de la résistance : 72 % de son chiffre d’affaires provient de chaussures de ville. Mais l’addiction des femmes pour les boots et les escarpins à talons n’a pas suffi pour sauver ce segment, dont les ventes ont baissé de 2,6 % en moyenne par an, entre 2013 et 2017. L’an dernier, le mouvement a été plus prononcé encore : les ventes de chaussures en cuir et assimilées ont dégringolé de 5 %, quand les modèles sport gagnaient 4 %.

Puma en hausse de 21,4 %

Toutes les marques de sport profitent à plein de cet engouement. Le groupe Adidas en a produit 403 millions en 2017. La firme allemande, qui détient la marque aux trois bandes et l’américaine Reebok, a dévoilé mercredi 14 mars avoir atteint le record de 21,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, après un bond d’activité de 7,9 % sur un an. Partout, grâce à ses Superstar, Stan Smith et Tubular Shadow, Adidas a rencontré un grand succès.

L’an dernier, Nike, numéro un mondial, a lui aussi fait un tabac avec ses Air Jordan – d’après le nom du champion de basket Michael Jordan –, ses Revolution et son chausson épais Tanjun, selon le palmarès établi sur le marché américain par Matt Powell, analyste du secteur du sport chez NPD. Quant à Puma, il a franchi la barre des 4 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2017. La marque du groupe français Kering a vu ses ventes de chaussures s’envoler de 21,4 % dans le monde, notamment grâce à des gammes signées en collaboration avec deux stars, la chanteuse Rihanna et la mannequin Cara Delevingne.

Ces sportives ne fouleront jamais les terrains de foot, les sentiers de course à pied ou les parquets des salles de gym : « 60 % des paires vendues seront utilisées » uniquement au quotidien, note David Richard, expert sport chez NPD en France. Mais les magasins d’articles de sport détiennent encore les clés de leur distribution : Decathlon, Foot Locker et autres Courir représentent 26,5 % des ventes de chaussures en France. « C’est le premier circuit de vente depuis 2013 », note M. Ligonnière. Ce réseau bénéficie des stratégies de distribution sélective des marques de sport qui leur réservent leurs modèles.

Zalando, Spartoo ou Sarenza en profitent aussi

Gros pourvoyeurs de marques internationales, les sites de vente en ligne, type Zalando, Spartoo ou Sarenza, en profitent aussi : ils représentent désormais 17 % des ventes en ligne en France. Au grand dam des chausseurs et des grandes enseignes spécialisées qui, pour la plupart, se voient écartés de la manne du sport.

Plusieurs enseignes historiques en souffrent. Parmi elles, figure André. Déficitaire depuis plusieurs années, l’enseigne du groupe Vivarte en cours de vente à Spartoo n’a pas « réussi » à capter ce marché, juge un fabricant. Desmazières est aussi à la peine. Le groupe familial de Lesquin (Nord), qui détient l’enseigne Chaussexpo (224 magasins), a été placé en redressement judiciaire le 5 février par le tribunal de commerce de Lille.