MBA « full time », MBA « part time », Executive MBA… Le marché s’est structuré et l’offre est aujourd’hui pléthorique. Pour s’y retrouver, les ­candidats deviennent plus exigeants : analyse des programmes, efficacité des réseaux d’anciens… Pour les écoles, ­l’affichage s’avère primordial. Avec un mot-clé : l’innovation.

« L’innovation pédagogique devient une source de différenciation importante et contribue à l’image de marque de l’organisation, confirme Hélène ­Michel, professeure à Grenoble école de management (GEM). Le marché des ­Executive MBA se développe, il y a un ­intérêt plus grand pour des critères de différenciation comme la pédagogie. »

D’où la course à l’échelle internationale pour décrocher de précieux labels ­valorisant l’innovation pédagogique, comme AMBA ou Re-imagine education. « La course à l’innovation est inévitable et nécessaire, il faut prendre en compte les évolutions du monde, renchérit Hervé Remaud, professeur senior de marketing à Kedge Business School. Demain, quelle révolution va sortir de la 5G et de l’intelligence artificielle ? »

Les innovations sont multiples et ­impossibles à recenser, mais trois pistes, entre autres, se dessinent et parfois se cumulent : questionner le capitalisme, digitaliser les formations, insister sur la rencontre avec le réel. Sans pour autant négliger ses classiques, gestion, finance, marketing…

« Business ethics »

On questionne le capitalisme jusque chez l’emblématique Harvard Business School (HBS). Un des grands moments à venir de la prochaine rentrée sera le cours « Réinventer le capitalisme : les affaires et les grands problèmes », ­enseigné cette année par le professeur agrégé George Serafeim. Au menu : « L’inégalité croissante des revenus, les systèmes éducatifs pauvres ou en ­déclin, l’accès inégal à des soins de santé abordables et la crainte d’une détresse économique continue (…) mettent en question la crédibilité des entreprises. » L’économie numérique, la durabilité sont « des sujets d’importance dans nos salles de classe, affirme Jim Aisner, du bureau des médias de HBS. Et je sais que cela va en étonner plus d’un… En moyenne, un tiers du contenu de tous les cours change chaque année ».

« Désormais, les cours d’éthique et de responsabilité sociale de l’entreprise sont obligatoires. » Andrea Masini, directeur du MBA « full time » de HEC

Même analyse chez Hervé Remaud, de Kedge. « Une vision libérale de l’économie et de la société est quasiment ­inhérente au MBA, surtout ceux accrédités AMBA, car cette accréditation est très codifiée et structurée, estime ce professeur senior de marketing. Mais il y a quand même différentes manières de voir les choses. » Ainsi, le cours de « business ethics » de Kedge « va à l’encontre d’une lecture simplement libérale de l’économie et du rôle de l’entreprise. De même, notre professeur de “Multinational Finance” montre les ­méfaits d’une absence de régulations ­financières, y compris dans une lecture géopolitique du monde économique ».

L’objet de l’économie (et indirectement du MBA) est de créer de la valeur, mais cela ne se résume pas à l’argent, souligne celui qui est aussi chercheur associé à l’université d’Australie du Sud : « On n’échappe pas à une ­réflexion sur cette notion de valeur. » Une approche également partagée par ­Andrea Masini, directeur du MBA « full time » de HEC, pour qui, « désormais, les cours d’éthique et de responsabilité ­sociale de l’entreprise sont obligatoires ».

Cours à distance

Deuxième piste, la digitalisation frappe les MBA comme les autres cursus pédagogiques. Quasiment tous les MBA intègrent désormais des livraisons en ligne de matériaux pédagogiques avant les cours in situ ou les moments de ­regroupement analytiques. Certains acteurs poussent la logique plus loin encore avec du 100 % à distance. L’Illinois Gies College of Business propose ainsi un MBA totalement à distance sur le site Coursera, avec deux ­entrées par année (janvier et août). Au coût de 22 000 dollars (18 000 euros), il attaque clairement le marché.

Les écoles assurant des MBA avec d’importants moments de regroupement sont-elles inquiètes face à ce type de produit ? Pour elles, le 100 % online est un autre marché. Hervé Remaud, à Kedge, résume l’avis de beaucoup : « La digitalisation pédagogique est importante dans le processus de livraison des contenus d’un cours, en amont et en aval de ce cours. Mais pour un public de manageurs ayant en moyenne 35-40 ans, ce qui importe ce sont les ­interactions entre participants et intervenants. » Même Clément Meslin, pourtant créateur de MyMooC, plate-forme d’agrégateur de MOOC, et déjà distributeur de MBA partiellement ­online, doute d’un succès massif des MBA totalement dématérialisés.

Aux prises avec le réel

Troisième piste d’innovation pédagogique : se frotter au réel. Rien de mieux pour « stimuler l’esprit entrepreneurial », estime Paola Eicher, responsable des admissions à l’IMD Lausanne. Cette école a mis en place, en 2017, un événement particulier : une semaine de création de prototypes sur des marchés en devenir, en partenariat avec l’Ecole ­polytechnique fédérale (EPFL) et l’Ecole d’art de Lausanne (Ecal). Objectif : aboutir à un produit pour une entreprise partenaire. La première édition s’est jouée avec l’entreprise pharmaceutique Debiopharm. Le thème était la lutte contre la maladie de Parkinson. L’objet créé : un verre spécial évitant aux malades de se retrouver trempés lorsqu’ils veulent boire.

« Dans nos “learning trek”, nous cherchons une immersion totale. Un moment qui sort chacun de sa zone de confort. » Andrea Masini, directeur du MBA « full time » de HEC

Une autre manière d’insister sur le réel est de multiplier les voyages ­d’apprentissage. « Le “learning trip” prend une place de plus en plus importante dans notre cursus, affirme William Hurst, directeur à Audencia. Dernièrement, on en a fait un en Israël sur la thématique de la digitalisation de l’économie, et un à Shenzhen, en Chine, sur les grands groupes et l’usine du futur. C’est fondamental pour voir de près la réalité. »

« Dans nos “learning trek”, nous cherchons une immersion totale », confirme Andrea Masini. La dernière promotion a eu droit à un déplacement en Islande sur la thématique de l’innovation technologique, un à Dubaï sur le ­conseil au Moyen-Orient et un à Londres sur la ­finance. Mais elle a également suivi un séminaire de deux jours avec les ­militaires de Saint-Cyr sur le leadership : « Un moment qui sort chacun de sa zone de confort », affirme le directeur du MBA de HEC. Plus étonnant ­encore, certains sont partis en Tanzanie aider une ONG à installer des ­panneaux solaires et à analyser l’impact de cette arrivée technologique auprès des populations locales. Une ­expérience qui laissera des traces profondes dans la lecture du monde des futurs dirigeants…

Participez au MBA Fair du Monde, samedi 17 mars à Paris

Le groupe Le Monde organise, samedi 17 mars, au palais Brongniart, à Paris, la huitième édition du MBA Fair, le Salon des MBA & Executive Masters.

Cet événement est destiné aux cadres qui souhaitent donner un nouvel élan à leur carrière, et renforcer leur employabilité. Sont attendus les responsables de plus de 35 programmes de MBA et d’Executive Masters parmi les plus reconnus des classements internationaux, dans des domaines variés : stratégie, marketing, finances, ressources humaines et management… Des conférences thématiques animées par un journaliste du Monde, ainsi que des prises de parole organisées par les écoles présentes sont également prévues.

L’entrée est gratuite, la préinscription est recommandée pour éviter l’attente.

Ce Salon sera précédé de la publication, dans Le Monde daté du jeudi 15 mars, d’un supplément sur les MBA, à retrouver également sur notre page Lemonde.fr/mba.