Fuite de civils de la Ghouta orientale, depuis la ville de Hammouriyé, sur une photo datée du 15 mars et publiée par l’agence officielle du régime syrien, SANA. / AP

Dans un chaos total, des civils continuent de fuir la Ghouta orientale, aux portes de Damas. Epuisés, munis de maigres effets, des centaines d’habitants ont emprunté, samedi 17 mars, le corridor ouvert par les forces prorégime dans le sud de l’enclave rebelle, désormais scindée en trois parties. Depuis jeudi, les départs, par des chemins de terre, se font par milliers en direction du territoire tenu par les autorités, depuis Hammouriyé et ses environs, alors que les combats s’y intensifient. Dans cette zone, l’armée et les milices alliées ont réalisé d’importantes avancées.

Le début d’exode, après un mois de bombardements aériens, rappelle les premières sorties, dans la panique, des habitants des quartiers de l’est d’Alep, lorsque l’offensive terrestre des forces prorégime avait débuté, en novembre 2016. Ces départs, depuis la Ghouta orientale, étaient un scénario redouté. Le journal syrien en ligne Enab Baladi, pro-opposition, faisait état, il y a quelques jours, de négociations entre des notables locaux du sud de la poche rebelle – notamment originaires de Hammouriyé – et le camp prorégime. Il s’agissait d’obtenir un cessez-le-feu et le maintien des civils sur place, en échange de l’évacuation de combattants, dans ce territoire dominé par Faylaq Al-Rahmane, une faction nationaliste et islamiste. Rien de cela ne s’est produit.

Cet exil, dans la violence, donne lieu à des récits opposés. Le camp loyaliste, soutenant que les civils sont pris en otage par les rebelles, décrit leur fuite comme une « libération ». L’armée a lancé, vendredi, un nouvel appel aux habitants à partir. Des militants de l’opposition dénoncent la tactique de la terre brûlée menée par le régime. Ils s’inquiètent que ces départs, depuis des localités où nombre de rues ont été transformées en champs de ruines par les frappes aériennes des forces russe et syrienne, soient irréversibles. Si, dans l’est d’Alep, d’importants retours ont eu lieu l’année passée, d’autres localités reprises par le régime, comme Daraya, proche de Damas, sont des lieux fantômes : aucun habitant n’a été autorisé à y revenir depuis l’été 2016.

« Aucune garantie de sécurité »

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), un peu plus de 20 000 civils ont pris la fuite depuis jeudi. Bachar Al-Jaafari, l’ambassadeur syrien à l’ONU, a évoqué, vendredi, 40 000 départs. Les chiffres sont invérifiables. Aucune organisation internationale n’est présente pour encadrer ces départs. Les femmes, les enfants et les personnes âgées qui ont fui sont transportés vers des centres d’accueil sommaires ouverts par les autorités, où le Croissant-Rouge syrien apporte de l’aide.

L’étau se resserre dans le sud de la Ghouta orientale. Les forces prorégime y progressent, malgré la résistance opposée par les insurgés. « Il faut que des corridors sécurisés soient mis en place, exhorte, inquiet, le docteur Abou Ahed (le nom a été modifié pour des raisons de sécurité), un soignant de Kfar Batna. Le seul corridor ouvert [dans le sud] est contrôlé par le régime. Il n’y a aucune garantie de sécurité. » Les militants s’alarment du risque d’arrestation ou, pour les hommes, d’enrôlement forcé dans l’armée.

C’est à Kfar Batna que les bombardements aériens ont fait le plus grand nombre de victimes, dans la Ghouta orientale, vendredi. Au moins 64 personnes y ont été tuées, selon l’OSDH. Le docteur Abou Ahed rapporte que l’attaque s’est produite « contre un marché. Certains cadavres sont carbonisés. » Samedi matin, au moins 30 civils ont été tués dans des raids aériens sur Zamalka, selon l’OSDH.

Dans le nord de l’enclave tenu par Jaych Al-Islam, bombardements aériens et combats restent quotidiens. Mais de fragiles négociations se poursuivent entre le puissant groupe islamiste et des représentants russes. A Douma, la ville la plus peuplée de la Ghouta orientale, des militants espèrent encore qu’un accord puisse être arraché, afin d’éviter un autre exode massif de civils.