Les plus de 108 millions de Russes inscrits sur les listes électorales au 1er janvier commenceront à voter à 8 heures (heure locale), le 18 mars. / ALEXANDER NEMENOV / AFP

Dimanche 18 mars, 108 968 869 électeurs russes sont appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle qui voit s’affronter huit candidats, sept hommes et une femme. Un scrutin dans lequel l’actuel président, Vladimir Poutine, est grand favori, et qui intervient au cœur de nouvelles tensions entre la Russie et plusieurs pays occidentaux.

Comment se déroule le vote

De la péninsule du Kamtchatka à l’Est jusqu’à l’enclave de Kaliningrad à l’Ouest, les plus de 108 millions de Russes inscrits sur les listes électorales au 1er janvier commenceront à voter à 8 heures locales. L’immense pays comptant onze fuseaux horaires, les premiers bureaux de vote de l’est russe ouvriront samedi soir à 20 heures GMT. Les derniers bureaux fermeront dimanche soir, à 18 heures (heure de Paris).

A l’étranger, Kiev a décidé de bloquer le vote des électeurs russes résidant en Ukraine pour protester contre la tenue de la présidentielle en Crimée, péninsule annexée par Moscou en 2014.

Qui sont les candidats

De gauche à droite et de haut en bas, les candidats officiels à l’élection présidentielle russe : Vladimir Poutine, Pavel Groudinine, Vladimir Jirinovski, Ksenia Sobtchak, Gregori Iavlinski, Sergueï Babourine, Boris Titov, Maxime Suraïkine. / STAFF / REUTERS

Le grand absent de ce scrutin est Alexeï Navalny, jeune opposant (41 ans) de Vladimir Poutine, écarté de l’élection en raison de condamnations pénales qu’il réfute. Cet opposant à la corruption, qui avait mené campagne sur le terrain pendant des mois, appelle désormais au boycott de l’élection.

  • Le favori : Vladimir Poutine, 65 ans

Désigné comme le successeur de Boris Eltsine en 1999, il a été élu pour la première fois président de la Fédération de Russie le 23 mars 2000, avec 52,9 % des voix, puis en 2004 avec 71,3 % des voix. La Constitution russe limitant le nombre de mandats présidentiels consécutifs à deux, Vladimir Poutine a pris la place de son premier ministre Dmitri Medvedev en 2008 tandis que celui-ci prenait la sienne au Kremlin après avoir été élu avec 70,2 % des voix. Sous sa présidence, la Constitution a été modifiée afin de repousser la durée du mandat de quatre à six ans. En 2012, malgré des manifestations importantes dénonçant des fraudes, Vladimir Poutine a été réélu avec 63,6 % des voix. Il brigue aujourd’hui un 4e mandat.

  • L’outsider : Pavel Groudinine, 58 ans

Pavel Groudinine, candidat à l’électoin présidentielle. / KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Pour la première fois, le candidat qui porte les couleurs du Parti communiste n’est… pas encarté. Directeur du sovkhoze Lénine, une exploitation agricole dans la région de Moscou fondée en 1917 et privatisée en 1995, il a créé la surprise en remportant une mini-primaire organisée au sein du PC russe et de quelques formations nationalistes de gauche. Ce chef d’entreprise atypique, numéro un de la fraise en Russie, avait participé à la première campagne électorale de Vladimir Poutine en 2000, avant de se retirer totalement du parti au pouvoir, Russie unie, en 2010. Les experts lui prédisent la deuxième place à l’issue du scrutin.

  • Le senior : Vladimir Jirinovski, 71 ans

Président fondateur depuis 1990 du Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR), il défend des idées ultranationalistes, xénophobes et antisémites, à l’opposé du libellé de sa formation. Candidat lors de la première élection présidentielle russe de 1991, où il avait obtenu 8 % des voix, il s’est présenté toutes les fois suivantes, à l’exception de 2004, en obtenant invariablement la cinquième, la troisième ou la quatrième place.

  • La benjamine : Ksenia Sobtchak, 36 ans

La journaliste Ksenia Sobtchak. / Alexander Zemlianichenko / AP

Fille de l’ancien maire de Saint-Pétersbourg, Anatoli Sobtchak, mentor en politique de Vladimir Poutine, la journaliste se présente comme une opposante résolue à Vladimir Poutine sous l’étiquette « contre tous » – une ligne qui figurait autrefois sur les bulletins de vote pour les électeurs mécontents. Accusée d’être une « marionnette du Kremlin » par ses détracteurs, elle est néanmoins l’une des rares voix, en Russie, à oser évoquer l’annexion de la Crimée comme une « violation du droit international ». Soutenue par de riches donateurs, Ksenia Sobtchak veut incarner un courant libéral « qui n’existe plus en Russie » depuis les années 1990.

  • L’entêté : Gregori Iavlinski, 65 ans

Cet économiste a travaillé avec les réformateurs de la perestroïka. En 1993, il a cofondé le parti démocrate libéral Iabloko, qui attira une partie de l’intelligentsia russe et compta dans ses rangs jusqu’à 16 parlementaires en 2003. Candidat à deux reprises à l’élection présidentielle, en 1996 et en 2000, opposé au retour de Vladimir Poutine en 2012, il avait été écarté de la compétition cette année-là au motif qu’il n’avait pas les deux millions de signatures alors nécessaires.

  • L’entrepreneur : Boris Titov, 57 ans

Fondateur du Parti de la croissance (libéral et conservateur), il est aussi délégué aux droits des entrepreneurs auprès du président russe. Sa candidature, il ne s’en cache pas, n’est pas là pour gêner le favori mais pour faire entendre la voix des PME, et promouvoir « l’esprit d’initiative ».

  • Le rouge-brun : Sergueï Babourine, 59 ans

Député du peuple au dernier Soviet suprême de Russie, en 1990, il est l’un des sept élus à avoir voté contre la dissolution de l’URSS. Réélu par la suite, vice-président de la Douma en 2004, il préside le parti La Volonté du peuple, aujourd’hui renommé « Union des peuples russes ». En 2003, Jean-Marie Le Pen s’était rendu à Moscou à son invitation. Sergueï Babourine a soutenu publiquement le Serbe Radovan Karadzic, surnommé le « boucher des Balkans », lors de son procès pour « génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre ».

  • Le cadet : Maxime Souraïkine, 40 ans

Président du parti Communistes de Russie, d’obédience marxiste-léniniste, il est le fondateur d’un mouvement de jeunes présenté comme l’héritier des Komsomols, les jeunesses du Parti communiste en URSS. Il revendique aujourd’hui 50 000 membres pour son parti, qui a obtenu 2,3 % des voix lors des élections législatives de 2016. Le portrait de Staline s’affiche sur son site de campagne.

La non-campagne de Vladimir Poutine

Assuré d’être réélu, Vladimir Poutine n’a quasiment pas fait campagne, se contentant de deux participations de deux minutes chacune lors de concerts de soutien et snobant les débats télévisés.

Il s’est surtout illustré par un discours très musclé devant le Parlement, le 1er mars, pendant lequel il a longuement vanté les nouveaux missiles « invincibles » de l’armée russe développés en réaction aux projets de bouclier antimissile, sommant les Occidentaux d’« écouter » enfin la Russie. S’il a déclaré que la Russie devait augmenter de moitié le PIB par habitant d’ici à la mi-2020, M. Poutine n’a cependant pas donné la marche à suivre ni présenté de programme économique.

Le contexte international s’est cependant emballé dans les derniers jours de la campagne, depuis l’annonce des sanctions britanniques contre la Russie, et les nouvelles tensions causées par l’empoisonnement de l’agent double russe Sergueï Skripal à Salisbury. Moscou, accusé par le Royaume-Uni et certains de ses alliés, nie être responsable de cette attaque, mais répond avec retenue pour le moment, préférant concentrer l’attention sur le scrutin de dimanche.

Lire le compte-rendu du tchat avec notre correspondante à Moscou : « Le principal atout de Poutine, c’est l’absence d’une alternative jugée crédible »

La participation, principal enjeu

Depuis 2000, Vladimir Poutine a toujours été élu dès le premier tour, et selon les sondages, cette élection ne devrait pas briser cette tendance. Le taux de participation sera donc le principal enjeu du scrutin, l’actuel dirigeant russe ayant besoin d’une forte participation pour légitimer sa victoire. L’opposition estime qu’un taux inférieur à 50 %, voire à 55 %, mettrait en question la crédibilité de Poutine.

La participation est restée particulièrement stable depuis 2000, avec un peu plus de 64 %, mais en 2006, le taux minimal de 50 % de votants, nécessaire pour valider l’élection, a été supprimé.

Un électeur dépose son bulletin de vote, tandis que d’autres font la queue, à Vladivostok en Extrême-Orient russe, le 18 mars. / YURI MALTSEV / REUTERS

Selon l’institut de sondages public VTsIOM, 74 % des électeurs russes ont l’intention de se rendre aux urnes le 18 mars. Mais, le seul grand institut indépendant, le Levada Center, affirme lui que moins d’un tiers des Russes sont vraiment décidés à aller voter.

Pour s’assurer une participation au niveau des précédentes élections, les autorités ont décidé d’organiser la plus grande campagne d’incitation au vote depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 2000. La Commission centrale électorale a réservé un budget de 770 millions de roubles (plus de 10 millions d’euros) pour faire la publicité du scrutin.

« Si vous n’allez pas voter, vous serez automatiquement inscrit comme électeur gréviste, et on ajoutera que vous doutez du statut russe de la Crimée », a écrit sur son blog – et en dépit de la réserve imposée aux fonctionnaires et élus – le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, rendant au passage un vibrant hommage à Poutine.