Dans un bureau de vote de Moscou, une femme glisse plusieurs bulletins dans une urne, le 18 mars 2018. / D.R.

Des fraudes et des irrégularités, dont il est difficile de déterminer l’ampleur, ont émaillé le scrutin présidentiel russe, dimanche 18 mars. L’ONG Golos, spécialisée dans la surveillance des élections, faisait état peu avant 16 heures de 2 288 cas d’irrégularités, parmi lesquelles des cas de bourrages d’urnes, des votes multiples ou des entraves au travail des observateurs. Ces chiffres, qui comprennent également des fautes de procédure, sont invérifiables.

Le mouvement du principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, empêché de se présenter au scrutin et qui affirme avoir dépêché plus de 33 000 observateurs dans les bureaux de vote, a, lui, rapporté des centaines de cas de fraudes dans plusieurs régions du pays. Quelque 150 observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont également déployés dans le pays.

La présence de webcams dans les bureaux de vote a permis de documenter les fraudes les plus grossières et les plus visibles, même si nombre de caméras n’ont pas les urnes dans leur champ de vision. Plusieurs sites d’opposition ou de médias répertoriaient dimanche les vidéos montrant des irrégularités.

Dans cette autre vidéo, on voit un homme glisser plusieurs bulletins dans une urne d’un bureau du Daghestan :

Вброс на выборах президента 2018 ДАГЕСТАН г. Дагестанские Огни СОШ №4 УИК №380
Durée : 00:47

Ces fraudes ne sont pas réservées aux régions reculées du Caucase ou d’Extrême-Orient, où elles sont traditionnellement plus nombreuses. Une vidéo diffusée à la mi-journée montrait ainsi un très classique bourrage d’urne dans un bureau de vote de la banlieue de Moscou. Ce dernier cas a été reconnu comme irrégulier par la Commission électorale centrale et les bulletins ont été annulés.

УИК1479 гимназия №5 Люберцы 18 марта 2018 вброс 3
Durée : 01:10

L’opposant Navalny avait aussi montré dans une vidéo, avant le jour de l’élection, la facilité avec laquelle des membres de son équipe avaient obtenu plusieurs bulletins chacun, à la faveur de la procédure permettant, sur simple demande, de voter hors de son bureau de vote traditionnel. Cette pratique, dite du « carrousel », permet des votes multiples par une même personne.

Ces cas signalés sont encore loin des fraudes massives qui avaient émaillé le scrutin législatif de décembre 2011, et dans une moindre mesure la présidentielle de mars 2012. A l’époque, l’indignation soulevée par ces fraudes s’était transformée en un mouvement de contestation long et massif. Ce précédent fait office de repoussoir pour le Kremlin, qui cherche à tout prix à éviter qu’un tel scénario se reproduise. Pour cela, la consigne d’éviter les fraudes trop visibles, en premier lieu dans les grandes villes, a été passée aux autorités locales.

La participation, enjeu majeur de la présidentielle russe

Cette année, l’enjeu principal pour le pouvoir réside dans la participation. Un chiffre inférieur à celui de 2012 (65,27 %) sonnerait comme un désaveu pour Vladimir Poutine, qui entend légitimer sa politique de confrontation permanente avec l’Ouest.

C’est sur cet aspect que l’accent a été particulièrement mis pour ce scrutin, opportunément placé à la date anniversaire de l’annexion de la Crimée, entérinée par la Douma le 18 mars 2014. Dimanche, des témoignages faisaient état d’électeurs transportés dans les bureaux de vote par autocars entiers, sous la conduite de la police.

Les moyens utilisés pour attirer les électeurs sont variés : distribution de sandwichs, de bons de réduction, organisation de loteries, marchés alimentaires à prix cassés ou encore tenue parallèle de référendums ou de consultations locales, par exemple sur les horaires scolaires. La correspondante de France 24 en Russie a, de son côté, rapporté avoir reçu « en cadeau », après avoir voté, une place de concert gratuite.

En amont, la mobilisation des électeurs avait aussi été assurée. Golos s’est inquiétée notamment d’informations faisant état de contraintes exercées par des employeurs ou des universités forçant leurs employés et leurs étudiants à voter non pas à leur lieu de domicile mais sur leur lieu de travail ou d’études, « où l’on peut contrôler leur participation au scrutin ».

Ces pratiques sont particulièrement répandues dans le secteur public et dans certaines grandes entreprises, où les employés doivent faire la preuve de leur vote, comme par exemple la photo de leur bulletin. Des « reçus » attestant la participation au vote ont aussi été distribués de manière inhabituelle dans plusieurs bureaux.

Une vidéo diffusée samedi sur les réseaux sociaux montrait les infirmières d’une maternité expliquer aux parturientes qu’elles « devaient » voter. Dans une autre, on voit des nonnes dans un couvent remplir leur bulletin sous l’œil de leur mère supérieure.