Le chanteur Gilberto Gil au carnaval de Sao Paulo en février 2018. / NELSON ALMEIDA/AFP

Gilberto Gil de retour sur scène, en France, samedi 17 mars, à La Seine musicale, sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Pas loin de 4 000 personnes ont bravé le froid et la neige pour ce concert-événement. Depuis son passage au Palais des Congrès, à Paris, avec Caetano Veloso, en 2015, on avait redouté le pire pour la star brésilienne quand, fin août 2016, la nouvelle était tombée d’une (troisième) hospitalisation, pour insuffisance rénale. Le revoir sur scène, à 75 ans, joyeux, guitare en mains, avec toujours le même esprit camarade et généreux vis-à-vis de son public, nous a rassurés.

Gilberto Gil partage la scène avec une autre icône de la MPB (musica popular brasileira), la chanteuse bahianaise Gal Costa, de trois ans sa cadette, très rare à Paris (elle-même avoue ne pas se souvenir à quand remonte son dernier passage).

Le projet baptisé « Trinca de ases » (« brelan d’as ») est né sur scène à Brasilia en 2016

A ces deux figures historiques s’est joint, recruté par Gil, un « jeune » de 55 ans, né à Sao Paulo, le guitariste et chanteur Nando Reis. Très rock’n’roll dans l’attitude et l’énergie qu’il insuffle tout au long de la soirée à ses camarades, moins alertes et pas toujours en voix. Une découverte pour le public francilien, car lui n’avait encore jamais chanté à Paris. Le Brésil l’a connu bassiste et chanteur du groupe de rock Titas, avant qu’il n’entame une carrière solo et ne se lance dans la production (travaillant, entre autres, avec la chanteuse Marisa Monte).

Gil, Nando e Gal - Trinca de Ases em "Tocarte" (clipe Oficial)
Durée : 05:25

C’est en fait lui le véritable MC (maître de cérémonie) de ce projet baptisé « Trinca de ases » (« brelan d’as »), né sur scène à Brasilia en 2016, sur lequel tous les trois sont appuyés par l’efficacité remarquable du bassiste Magno Brito et du percussionniste-batteur Kainan do Jejê (du groupe Sinara), et actuellement en tournée européenne. Il en a conçu le répertoire – disponible sur un album enregistré en public à Sao Paulo, paru sur le label brésilien Biscoito fino, bientôt distribué en France – et il en a signé les arrangements.

Quelques perles d’amis

Aux compositions de son aîné (Palco, Esotérico, Cores vivas, Refavela, Barato total…), et aux siennes, ont été ajoutées quelques perles d’amis, dont Baby, signée par Catano Veloso sur l’emblématique album du tropicalisme, le mouvement qui malmènera, à la fin des années 1960, la bossa-nova et bousculera la chanson bien-pensante, Tropicália ou Panis et Circencis (paru en 1968). Un album réunissant Gilberto Gil, Gal Costa, Caetano Veloso, Tom Zé, Nara Leão, le groupe Os Mutantes. Rogerio ­Duprat (1932-2006) en signait les arrangements.

« C’est la révolution esthétique du tropicalisme d’alors qui permet aujourd’hui d’envisager une politique alternative dans laquelle je veux m’engager », commentait, en 1987, Gilberto Gil dans le documentaire Gilberto Gil, la passion sereine, réalisé par Ariel de Bigault. A la fin des années 1980, il occupe un poste à la ­culture dans l’Etat de Bahia puis deviendra plus tard (de 2003 à 2008), représentant le Parti Vert, ministre de la culture dans le gouvernement de Lula.

A la mémoire de Marielle Franco

A La Seine musicale, Gal Costa rappelle, avec ses deux complices, la mémoire de Luiz Melodia, mort en 2017, en interprétant une de ses compositions, Perola negra. Luiz Melodia était souvent perçu comme un porte-parole des favelas et de la culture du peuple noir au Brésil. Les favelas dont était issue Marielle Franco, une jeune femme de 38 ans, élue municipale de Rio, populaire militante des droits de l’homme, en guerre contre les exactions policières et militaires, assassinée dans la soirée du 14 mars en plein centre de Rio.

« Evidemment, tout ce que nous faisons là, après l’assassinat de Marielle, c’est un hommage à la vie et pour honorer sa mémoire », déclare sur scène (en français) Gilberto Gil. Deux heures plus tôt, dans les loges, il commentait ce drame qui a bouleversé une partie du Brésil. « Marielle était une militante pour la cause noire, la cause des femmes… Elle avait des ennemis, des gens qui voulaient la faire taire. Elle a été exécutée. Cet assassinat m’apparaît comme une conséquence de toute la situation compliquée socialement, politiquement, économiquement, que nous vivons en ce moment au Brésil. »

Gilberto Gil reviendra en concert avec le projet « Refavela 40 » : le 28 juin au festival Archéo Jazz, à Blainville-Crevon (Seine-Maritime), le 6 juillet au Barrière Enghien Jazz Festival à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), le 7 à Jazz à Vienne (Isère), le 10 au festival Les Suds à Arles (Bouches-du-Rhône).