Fin 2016, le cabinet d’étude Aprédia a dénombré 3 272 structures de gestion de patrimoine. / Thomas White / REUTERS

Bien que cumulant les statuts – conseillers en investissements financiers, courtiers en assurances, mais aussi en immobilier, tout en ayant des connaissances juridiques appropriées –, les CGPI souffrent d’un déficit de notoriété. Ces professionnels de la stratégie patrimoniale évoluent pourtant dans un cadre régulé et sont affiliés à des chambres professionnelles. « Même les plus gros ne sont pas connus du grand public, contrairement à des noms tels que Rothschild, ­Lazard, BNP… », observe Rémi ­Sabatier, président d’Aprédia, une société d’études indépendante.

Le nouveau contexte réglementaire a poussé des banques de gestion privée à remonter les niveaux d’accès à leurs services. Pour des questions de rentabilité, certains clients ont été poussés vers la sortie. C’est une opportunité pour les conseillers en gestion de patrimoine indépendant (CGPI).

Relation de confiance

Les détenteurs des plus gros patrimoines préfèrent spontanément les banques privées. Les conseillers en gestion de patrimoine doivent donc compter sur leurs réseaux personnels ou les recommandations de leurs clients pour accroître leur clientèle. « Chez eux, il y a un sens profond de la relation de confiance avec les clients. Ceux-ci peuvent leur raconter leurs histoires patrimoniales intimes, qu’ils ne pourraient pas confier à un jeune conseiller de banque privée », assure Rémi ­Sabatier. « Le repositionnement des banques privées sur la clientèle fortunée est une belle opportunité pour redonner du contact humain à des personnes brutalement remerciées », estime quant à lui Emmanuel Narrat, dirigeant d’Haussmann Patrimoine.

En France, les clients ont l’embarras du choix pour trouver un conseiller en gestion de patrimoine. Dans son Livre blanc sur la profession, Aprédia avait dénombré 3 272 cabinets à fin 2016. Il est vrai que 83 % d’entre eux ne comptent qu’un à deux conseillers, dirigeant inclus. Pour autant, cette population de petits intermédiaires réussissait à concentrer environ 10,6 % de la collecte des actifs financiers en France. Au total, plus de 1,3 million de clients leur avait confié 121,7 milliards d’euros. Une position loin d’être anecdotique.

Dans l’exercice de son activité, le CGPI fait figure de chef d’orchestre

Dans l’exercice de son activité, le CGPI fait figure de chef d’orchestre. Il jongle avec plusieurs fournisseurs (compagnies d’assurances, promoteurs immobiliers, sociétés de gestion de portefeuille, banques, institutions de prévoyance…) et s’adresse aux experts-comptables, notaires, avocats, fiscalistes pour finaliser certains dossiers. Au total, 90 % des CGPI travaillent avec en moyenne six prestataires. Comme les banques privées, les CGPI sont soumis à de nouvelles réglementations. « Même s’ils vont devoir adapter leur manière de travailler, je n’ai pas l’impression qu’ils abandonneront des clients », estime Stefan de Quelen, directeur du développement ­Retail du groupe Primonial, les CGPI disposant de structures beaucoup plus légères que celles des banques privées.

« L’automatisation des opérations est aussi pour eux beaucoup plus facile à réaliser », fait remarquer Rémi Sabatier. Cependant, « ils devront justifier l’amélioration du service aux clients et pas simplement sur la base d’un reporting régulier, mais par un certain nombre de rendez-vous documentés », juge Frédéric Beugin, responsable de la conformité et du contrôle Interne de Myria AM, filiale de gestion du groupe UFF.

« A défaut d’indépendance, il faut introduire la notion d’entrepreneur, libre dans l’esprit, libre de travailler avec qui il veut »

La nouvelle directive MIF 2 (marchés d’instruments financiers) pose la question de leur indépendance. De nombreux CGPI ont fait le choix d’abandonner le « I » final pour continuer à être rémunérés sous la forme de rétrocessions sur les commissions des produits qu’ils conseillent à leurs clients, le gros de leurs chiffres d’affaires. « Dans ce choix, il ne faut pas voir un lien de subordination à leurs fournisseurs, souligne Emmanuel Narrat. A défaut d’indépendance, il faut introduire la notion d’entrepreneur, libre dans l’esprit, libre de travailler avec qui il veut, pour le distinguer d’un conseiller salarié de banque. » En restant indépendant, un CGPI devra accepter de n’être payé qu’en honoraires, une pratique encore peu répandue car elle se heurte à la réticence des épargnants pas toujours enclins à payer un service. « Actuellement, ces conseillers en gestion de patrimoine représentent en moyenne moins de 10 % du chiffre d’affaires de la profession », signale Rémi Sabatier, qui constate néanmoins que la clientèle évolue et semble aujourd’hui plus disposée à le faire.