La maire de Paris, Anne Hidalgo, dans l’usine d’Arcade Cycles, à La Roche-sur-Yon, le 19 décembre 2017. / LOIC VENANCE / AFP

Turbulences passagères ou dépression durable ? Lors du Conseil de Paris qui s’ouvre mardi 20 mars, Anne Hidalgo devait essuyer les attaques de l’opposition et les critiques d’une partie de sa majorité sur deux gros chantiers de son mandat : l’offre nouvelle de vélos en libre-service et le contrôle du stationnement payant confié au secteur privé. « Il y aura un avant et un après premier trimestre 2018 », reconnaît Bruno Julliard, premier adjoint (PS) de la maire de la capitale, conscient de la situation : « Même si nos difficultés sont à relativiser, l’ampleur de la crise est réelle dès lors que les Parisiens la perçoivent comme telle. »

Dans les deux cas, les défaillances relèvent des prestataires choisis. Le consortium Smovengo aurait dû déployer d’ici à fin mars à Paris et dans plus d’une cinquantaine de communes 1 400 stations de vélos en libre-service dont 30 % équipés d’un moteur électrique. Mais la livraison a pris trois mois de retard. En Conseil de Paris, l’opposition devrait imputer « le fiasco de Vélib’ 2 », selon ses termes, à la Ville de Paris. « La mairie a conditionné de bout en bout le choix du prestataire », soutient Eric Azière, le patron du groupe UDI-MoDem.

L’entourage d’Anne Hidalgo rappelle pourtant que le marché a été piloté en grande partie par le syndicat mixte Vélib’ Autolib’ Métropole (SVAM), qui compte 68 communes. Au sein duquel Paris est certes majoritaire, mais pas seul décisionnaire. La commission d’appel d’offres du SVAM qui a choisi en mars 2017 Smovengo était composée de deux élus de Paris et de quatre élus des autres collectivités concernées. Smovengo a été choisi à l’unanimité face à JCDecaux, prestataire sortant.

« Fébrilité »

Alors que Mme Hidalgo incrimine « des marchés publics en France mal conçus » pour expliquer les aléas du contrat avec Smovengo, Jean-Baptiste de Froment, premier vice-président du groupe LR, réfute cet argument et suggère que Paris aurait la possibilité de prévoir des garde-fous plus efficaces dans ses appels d’offres pour éviter une rupture de service public lors du passage de relais entre deux prestataires.

Pour rattraper le retard, lié notamment à la complexité plus grande que prévu de l’électrification des stations, la Ville a depuis peu délégué des ingénieurs de ses services afin de mieux coordonner les différents acteurs qui interviennent sur le chantier. « Si Smovengo avait tiré la sonnette d’alarme plus tôt sur les difficultés rencontrées, nous aurions pu lui prêter main-forte plus rapidement », regrette l’Hôtel de Ville.

Autre prestataire défaillant, Streeteo. L’entreprise qui assure depuis janvier le contrôle du stationnement payant dans la plupart des arrondissements parisiens a été reconnue responsable par la Ville de deux types d’irrégularités. Censés contrôler les voitures en infraction dans la rue, certains de ses agents se sont contentés d’enregistrer, en restant dans leurs bureaux, des numéros d’immatriculation pour atteindre le quota de contrôles exigés par la Ville au terme du contrat. Et certains employés de Streeteo n’étaient pas assermentés alors que la loi l’exige.

En Conseil de Paris, la droite, l’UDI-Modem ainsi que le groupe des « progressistes et indépendants », composé de transfuges de LR, devraient demander la résiliation du marché avec Streeteo. Membres de la majorité de Mme Hidalgo, les élus communistes devraient exiger la même chose. « Les ratés de Streeteo sont une responsabilité collective de la maire de Paris, des socialistes et des Verts », déplore Nicolas Bonnet-Oulaldj, le patron du groupe Front de gauche au Conseil de Paris, hostile par principe « à la privatisation » du contrôle du stationnement à Paris.

Au-delà de ces deux dossiers, les revers juridiques des dernières semaines, dont l’annulation par le tribunal administratif de la piétonnisation des berges de la rive droite de la Seine, permettent à l’opposition de remettre en cause plus largement le pilotage politique de la Mairie. « Je me demande si la clé de commande de tous ces ratés n’est pas la fébrilité de Mme Hidalgo, qui multiplie les chantiers et les projets à marche forcée », déclare M. Azière.

Dispositif de riposte

Ces derniers temps, les critiques n’émanent plus seulement des rangs des seuls adversaires politiques de la maire de Paris. « Cette suite de revers techniques et juridiques laisse à penser qu’il n’y a plus de patron ou de patronne à Paris, glisse un bon connaisseur des arcanes de la Ville, proche de Bertrand Delanoë. A un moment, quand une image se brise comme un miroir, il est difficile de recoller les morceaux. On peut considérer que ce n’est pas juste, mais c’est comme ça. » Coïncidence de calendrier, une petite centaine des ex-collaborateurs de l’ancien maire de la capitale lui a donné rendez-vous, mardi, comme chaque année, au printemps pour une réunion « amicale », selon l’un d’eux.

Face à ces difficultés, Mme Hidalgo a réagi, lundi, en annonçant avoir commandé « une étude sur la gratuité des transports en commun » pour tous. Pour renforcer son dispositif de riposte, elle a également recruté l’ex-directrice de la publicité d’Air France Caroline Fontaine, qui dirigera la communication de la ville. Et ses proches veulent encore croire que l’image de la maire de Paris n’est pas durablement abîmée. « Elle a les ressorts et l’énergie nécessaires pour renouer le fil d’un récit municipal positif, assure un de ses adjoints. Il faut que l’entêtement que certains lui reprochent soit de nouveau perçu comme du courage et la marque d’une volonté. »