Qu’est-ce qu’un bon lycée ? A question simple, réponses multiples : celles de l’éducation nationale, qui rend publics, mercredi 21 mars, ses indicateurs de valeur ajoutée des 3 500 établissements publics et privés de France, d’enseignement général, technologique et professionnel, en se gardant d’établir une hiérarchie ; et celles que différents médias, dont Le Monde, tentent d’apporter grâce à leurs classements des lycées.

Nous avons ainsi distingué des lycées tels que l’établissement général et technologique public Jardin d’essai, aux Abymes (Guadeloupe), le lycée général et technologique privé Saint Joseph de Cluny, à Fort-de-France (Martinique), l’établissement professionnel public Alphonse-Benoît, à l’Isle sur la Sorgue (Vaucluse) ainsi que le lycée professionnel privé Saint Joseph de Cluny, à la Baie Mauhault (Guadeloupe). Pour découvrir les vingt meilleurs par catégorie, vous pouvez consulter notre tableau d’honneur au bas de cet article. Le classement complet est accessible en cliquant sur le lien ci-dessous.

« Valeur ajoutée »

Du point de vue de l’éducation nationale, un bon lycée est un établissement qui fait mieux que prévu. Depuis que le ministère diffuse sa batterie annuelle d’indicateurs de résultats, il rappelle qu’ils ont pour objectif de « rendre compte des résultats du service public d’éducation nationale et de donner aux responsables de ces établissements et aux enseignants des outils qui les aident à améliorer l’efficacité de leurs actions ».

La méthodologie met donc au cœur de ces indicateurs la notion de « valeur ajoutée » pour prouver aux équipes enseignantes que certaines, à condition identique, font mieux que d’autres (à charge pour les moins performantes d’imiter les autres). Pour ce faire, le ministère mesure l’écart entre les résultats réels d’un lycée et ses résultats « attendus », établis à partir de la composition sociale et du niveau scolaire des élèves.

Cette lecture, privilégiée par le service public, distingue deux grandes familles d’établissements. La première, paradoxalement, est constituée par les lycées privés à très faibles effectifs (moins de 100 candidats au baccalauréat) qui instillent dans leurs classes une dose raisonnée de mixité sociale. Leur taux de réussite attendu au bac tourne autour de 85 % mais leur taux réel se situe plutôt entre 95 % et 100 %, ce qui leur assure une valeur ajoutée de 10 à 15 points.

Une vision en trompe l’œil

La seconde famille est formée de lycées publics situés dans des zones a priori difficiles dont environ 85 %-90 % d’élèves décrochent le bac quand les statistiques n’annoncent qu’une probabilité de réussite de 70 % à 80 % – eux aussi affichent ainsi une valeur ajoutée supérieure à 10 points. Ils sont situés en banlieue parisienne (Trappes, Clichy-sous-Bois, Bobigny…) ou dans les DOM (Guadeloupe, Martinique…).

Le prisme du taux de mentions, critère ajouté cette année par le ministère, accroît encore ce phénomène : parmi les vingt lycées dont la valeur ajoutée est la meilleure, seuls six sont publics – Alfred-Nobel à Clichy-sous-bois, Condorcet à Schœneck (Moselle), Romain-Rolland à Goussainville, La Plaine de Neauphle à Trappes, le lycée international de Saint-Germain-en-Laye et Sophie-Germain à Paris-4e. Les prestigieux lycées parisiens de la montagne Sainte Geneviève (Louis-le-Grand, Fénelon, Henri IV…), fleurons de l’excellence républicaine, accrochent péniblement le premier quart du classement.

Cette grille de lecture ministérielle aboutit donc à une vision du « bon lycée » en trompe l’œil. Si l’on conserve l’exemple des mentions, La Plaine de Neauphle (Trappes), affiche certes une valeur ajoutée de 19 points, mais seuls 38 % de ses élèves en décrochent une. Tandis qu’Henri IV n’obtient qu’une modeste valeur ajoutée de 4 points, mais permet à 93 % de ses élèves d’avoir une mention. De plus – mais le ministère de l’éducation nationale n’a pas souhaité documenter ce point – la part des mentions très bien est selon toute probabilité nettement supérieure à Henri IV qu’à La Plaine de Neauphle.

Une part d’arbitraire

Le « bon lycée » vu par le ministère n’est donc pas celui qui accueille le plus de « bons élèves ». Partant, ce n’est pas non plus le « bon lycée » du point de vue des parents plus soucieux de la réussite individuelle de leur enfant que de la performance collective de l’institution scolaire.

Tout classement tiré de ces indicateurs relève donc d’une part d’arbitraire et reflète autant les valeurs des auteurs du classement que la valeur des lycées mis en avant.

Le Monde, depuis trois ans, a choisi de ne pas trancher entre les ambitions affichées par l’école républicaine : assurer la réussite et compenser les inégalités de naissance, permettre l’émancipation de l’individu et celle du collectif.

Nous avons donc retenu quatre indicateurs et leur avons attribué un poids identique : le taux de réussite au bac 2017, qui rend compte de l’excellence académique, les taux d’accès de la première au bac et de la terminale au bac, qui signalent les lycées faisant le plus d’efforts pour accompagner les élèves (ils n’excluent pas les « moins bons »), la valeur ajoutée du taux de réussite au bac, enfin, qui souligne les mérites de ces lycées qui « font mieux que prévu » au regard du public qu’ils accueillent. Pour ce dernier critère, nous avons estimé qu’un lycée qui obtenait les résultats attendus faisait correctement son travail et « méritait » une note de 20/20. Ceux qui font mieux obtiennent donc, comme au bac, des points au-dessus de 20, ce qui explique quelques moyennes finales supérieures à 20 dans le classement. Enfin pour atténuer les biais liés à la taille des lycées, nous n’avons retenu dans le classement que les lycées généraux et technologiques qui présentent au moins 100 élèves au bac et proposent au moins deux séries (S et ES) et les lycées professionnels qui présentent au moins 30 élèves.

Les quatre tableaux ci-dessous représentent nos « top 20 » parmi les lycées généraux et technologiques publics et privés, et parmi les lycées professionnels :

Comment apprécier les résultats d’un lycée ?

[ Le ministère de l’Education nationale apporte les précisions suivantes concernant ses indicateurs ] Les indicateurs de résultats des lycées évaluent non seulement la réussite au baccalauréat des élèves de terminale d’un établissement, mais aussi la capacité de cet établissement à accompagner le maximum d’élèves depuis la seconde jusqu’à l’obtention du diplôme, en prenant en compte les caractéristiques sociodémographiques et scolaires des élèves.

Ils offrent en cela une analyse plus fine que le seul taux de réussite au baccalauréat, en appréciant également le parcours scolaire des élèves depuis leur entrée au lycée et le caractère plus ou moins sélectif des établissements.

Trois indicateurs sont utilisés pour mesurer la valeur propre d’un établissement :

  • le taux de réussite au baccalauréat, c’est-à-dire la proportion de bacheliers parmi les élèves ayant passé le baccalauréat ;

  • le taux d’accès au baccalauréat, qui est la proportion d’élèves de seconde ou de première qui obtiennent le baccalauréat en restant dans l’établissement ;

  • la proportion de bacheliers parmi les élèves qui quittent l’établissement.

Il ne s’agit donc pas pour le ministère de réaliser un classement des lycées mais de proposer, à travers cette combinaison d’indicateurs, une image de la réalité complexe et relative que constituent les résultats d’un établissement.

Pour consulter les indicateurs : www.education.gouv.fr/indicateurs-resultats-lycees