Alassane Pléa, le 21 février. / SERGEI KARPUKHIN / REUTERS

Brillant sur les pelouses de Ligue 1, l’attaquant niçois Alassane Pléa, 25 ans, a décidé d’investir un autre terrain : celui de la philanthropie. Le buteur est le premier joueur français à s’engager à reverser 1 % (l’équivalent de 14 000 euros par an, selon nos estimations) de son salaire annuel à un fonds de dotation à visée caritative, en l’occurrence celui créé récemment par l’OGC Nice. Il explique sa démarche dans un entretien au Monde.

Pour quelles raisons avez-vous décidé de donner 1 % de votre salaire annuel au fonds de dotation à visée caritative fondé par votre club ?

C’est la suite logique de mon engagement citoyen depuis que je suis à l’OGC Nice. Dès que je suis arrivé, le club m’a présenté le programme « Gym Solidaire ». J’ai tout de suite accepté d’en être le parrain, car ça m’a plu de mener des actions concrètes, simples, et surtout efficaces. Cela fait maintenant trois ans que j’œuvre régulièrement pour des actions de ce programme (environ une fois par mois). Il s’agit d’un programme en faveur des personnes en situation de précarité qui vivent à Nice.

On lance des appels aux supporteurs pour des collectes de vêtements et de jouets mises en place à l’Allianz Riviera. On participe avec d’autres joueurs à un repas de Noël solidaire avec des personnes sans domicile. On remet chaque année un chèque à la Banque alimentaire dont la somme a été collectée par le club et nos supporteurs, et puis on va à la rencontre toute l’année de personnes dans la difficulté et des bénévoles d’associations, dans des centres d’accueil ou au club directement.

Le programme du Gym Solidaire m’a beaucoup apporté sur le plan humain. Aider les gens, donner de ma personne, ça m’a toujours plu. On se sent utile, quand on leur apporte le repas de Noël, on voit les sourires. Même si, parfois, c’est difficile… et quand je rentre chez moi, ça m’arrive d’être affecté par les histoires qu’ils m’ont racontées.

Reverser un pour cent de mon salaire apparaissait donc pour moi comme la continuité de mon engagement afin d’aller un peu plus loin. Et j’ai choisi le Fonds de dotation que l’OGC Nice vient de créer, car le club fait des choses magnifiques et je souhaitais donner un coup de pouce au club. De plus, j’ai entièrement confiance en la manière dont l’argent sera utilisé par le club ; ce qui est rassurant, car c’est important avant de faire un don comme celui-ci.

Dans quelle mesure l’initiative (par le projet « Common Goal » en 2017) de l’Espagnol Juan Mata de verser 1 % de son salaire annuel vous a-t-elle séduite ?

Je trouve l’initiative vraiment super. Juan Mata est un joueur qui a une forte notoriété, il est connu dans le monde entier et a une carrière honorable [il évolue à Manchester United], c’est un joueur très important. Je me suis informé et interrogé sur comment il avait mis en place son projet et pourquoi. C’est en partie lui qui m’a fait réfléchir à la possibilité de donner un pourcentage de mon salaire.

Simplement, de mon côté j’ai préféré le faire avec mon club. D’autant plus que je souhaitais que mon don profite avant tout à des Niçois, car ce sont eux qui nous soutiennent au quotidien et avec qui je suis en contact chaque jour. Je voulais que ça profite à ma ville. J’espère que c’est une initiative qui va être suivie par de nombreux joueurs. C’est un peu pour ça aussi que je vous en parle aujourd’hui. Pour faire connaître l’initiative au plus grand nombre et qu’elle soit reprise ! Si Juan Mata n’en avait pas parlé, je ne l’aurais peut-être pas fait. C’est donc important d’en parler pour éveiller certaines consciences.

Pensez-vous que votre initiative va convaincre vos collègues de Ligue 1 de faire de même, en redistribuant une partie de leur salaire annuel ?

Oui, je l’espère. Après c’est quelque chose de très personnel, il ne faut forcer personne. On n’est pas meilleur parce qu’on fait ça. Certains ont trouvé d’autres manières d’être utiles.

Selon vous, pourquoi les footballeurs ou sportifs de haut niveau hésitent-ils ou rechignent-ils à s’engager, durant leur carrière, dans des actions auprès d’associations, œuvres de charité, à verser une part de leur salaire à des causes caritatives, humanitaires ?

Déjà, il faut savoir qu’il y a plus de joueurs qui agissent plus que ce que le public pense. On nous parle souvent d’une image « égoïste » des joueurs de football, mais c’est faux. Beaucoup agissent sans que leurs actions soient médiatisées.

Après, ça dépend aussi des clubs dans lesquels on passe. Certains nous y sensibilisent plus que d’autres… c’est le cas de l’OGC Nice, qui fait beaucoup au niveau sociétal et qui m’a accompagné sur ce terrain-là. Tout seul, on ne sait pas forcément vers qui se tourner et quoi faire. On a des idées, mais pour trouver la bonne association, c’est plus difficile… Puis il y a la question de la confiance et de la transparence. Comment être certain que c’est bien sérieux ?

Dans mon cas, c’est le club qui s’est chargé de mettre en place le programme avec les bons interlocuteurs. C’est plus facile et j’ai évidemment une entière confiance. Et concernant le fait de reverser une partie de son salaire, ce n’est pas propre aux footballeurs. Je pense que dans toutes les catégories de population, des plus pauvres aux plus riches, certains donnent et d’autres non. C’est une question de personnalité, pas de catégorie sociale.

Je suis quelqu’un de gentil, de généreux. C’est une question d’éducation : mes parents m’ont appris à aider les personnes dans le besoin.

Quel rôle les sportifs de haut niveau peuvent-ils avoir de manière générale sur un plan philanthropique ?

La philanthropie est un mouvement qui arrive de plus en plus en Europe. L’engagement philanthropique des sportifs de haut niveau pourrait permettre de faire rentrer un peu plus le don dans les mœurs. Tout ce que fait un sportif de haut niveau est décortiqué et médiatisé. Nous sommes également des modèles pour les enfants. Donc, nous avons la possibilité de faire passer des messages, des idées… Plus nous serons nombreux à nous engager pour les autres, plus le reste de la société le fera.

Mais je pense que la question peut être posée dans les deux sens. Qu’est-ce que la philanthropie peut apporter aux sportifs ? Nous sommes dans un milieu qui est de plus en plus médiatisé, starifié. Mon engagement me ramène dans le monde réel. Ça me permet de relativiser les problèmes que je peux parfois rencontrer. Dans ma vie, j’ai énormément de chance et, parfois, quand tu te plains pour pas grand-chose, ça te remet les idées en place.