Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, en avril 2013. / MARCIO JOSE SANCHEZ / AP

S’il y a crise à Facebook, la première interview donnée par Mark Zuckerberg, mercredi 21 mars, n’a pas donné le sentiment d’urgence auquel on aurait pu s’attendre, quatre jours après le déclenchement de la tempête sur le réseau social.

Installé dans son bureau transparent, au siège de la compagnie à Menlo Park, le PDG de 33 ans a répondu aux questions de CNN sans se départir de la certitude, réaffirmée à chaque incident, que les problèmes ne sont que conjoncturels et qu’ils ont des solutions sur lesquelles Facebook travaille d’arrache-pied.

La « principale responsabilité » de la compagnie est le respect de la vie privée de ses utilisateurs, répète-t-il. Toute entorse à ce principe est « un gros problème qui mérite une grande indignation ». « Je suis désolé de ce qui est arrivé », ajoute-t-il.

« Problème majeur de confiance »

Mais s’il est indigné, il n’y paraît rien. Mark Zuckerberg est fidèle à lui-même, dans son tee-shirt de « patron-qui-ne-le-sera-jamais-tout-à-fait ». Il fuit les interviews, souligne CNN, le seul fait d’avoir accepté de répondre aux questions est une manifestation du sérieux qu’il accorde à l’affaire. D’ailleurs, il a aussi donné mercredi un entretien au New York Times, au site Recode et au magazine Wired.

Il y est interrogé sur l’épidémie de suppressions de comptes #DeleteFacebook qui s’est propagée dans le public depuis les révélations sur la manière dont la compagnie a laissé la firme privée Cambridge Analytica, liée à l’ex-éminence grise de Donald Trump, Steve Bannon, se procurer les données de 50 millions d’Américains. Selon lui, il ne s’agit pas d’un nombre « significatif » de désabonnements. « Mais ce n’est pas bon, reconnaît-il. C’est le signal qu’il y a un problème majeur de confiance pour les gens, et je le comprends. »

Si Mark Zuckerberg admet qu’il devrait s’exprimer dans la presse plus régulièrement, il ne va pas jusqu’à s’engager formellement à apparaître devant le Congrès, où les élus, républicains comme démocrates, souhaitent entendre ses explications sur la manière dont le réseau social a été instrumentalisé à des fins politiques.

A l’automne 2017, il s’était abstenu d’apparaître à Washington, au plus fort des révélations sur les faux comptes russes, au grand dam des élus. Cette fois, « je serai heureux d’y aller si c’est la bonne chose à faire », répond-il sur la chaîne câblée, sans cacher qu’il préfère envoyer les spécialistes répondre sur les dossiers précis. « J’irai s’il s’agit d’un sujet sur lequel je suis la seule autorité. »

En revanche, il signale pour la première fois son accord sur le projet de loi à l’examen au Sénat (Honest Ads Act) qui prévoit d’imposer aux publicités politiques en ligne la même réglementation que dans la presse.

Un outil en chantier

Le jeune milliardaire, cinquième fortune mondiale, reste étonné lui-même du pouvoir de l’outil qu’il a créé dans son dortoir de potache en 2004. « Si on m’avait dit que je devrais m’occuper de protéger l’intégrité des élections sur la planète, je ne l’aurais pas cru », dit-il.
S’il a été pris de court par les ingérences russes de 2016, il invoque des progrès.

L’élection présidentielle en France, par exemple : « Grâce aux nouveaux outils d’intelligence artificielle que nous avons bâtis après l’élection de 2016, nous avons trouvé plus de 30 000 comptes liés à des sources russes qui essayaient les mêmes tactiques. » Et la dernière consultation en Alabama, en 2017, révèle-t-il dans le NYT : « Nous avons trouvé un nombre significatif de comptes macédoniens qui essayaient de répandre des fausses nouvelles. Nous avons pu les éliminer. »

Pour lui, la plateforme reste manifestement un outil en chantier, comme une start-up en perpétuelle correction de trajectoire. « Depuis les débuts, j’ai fait toutes sortes d’erreurs, que ce soit techniques, commerciales ou dans les recrutements », admet-il. La dernière étant celle qui entoure Cambridge Analytica.

Pas question de remettre en cause le modèle

Une nouvelle fois, « Zuck » promet de tout faire pour que « des problèmes comme celui-ci ne se reproduisent pas ». Le nombre de développeurs qui ont accès aux données sera réduit. Facebook va même finir par informer les 50 millions de victimes du siphonage des données : une information que le réseau possède depuis fin 2015, mais qui n’avait pas été communiquée.

Mais il n’est pas question de remettre en cause le modèle fondé sur la vente aux annonceurs des données des internautes, le problème structurel soulevé par un nombre croissant de spécialistes. La « mission » de Facebook de « rapprocher le monde » exige la gratuité du service, à savoir « un modèle économique soutenu par la publicité ». Pour les critiques, c’est aussi la faille du réseau.