Des cheminots lors de la manifestation du 22 mars, à Paris. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

Les fonctionnaires et les agents de la SNCF ont manifesté, jeudi 22 mars, pour protester contre les projets du gouvernement les concernant. Sept syndicats de la fonction publique (CGT, FO, FSU, CFTC, Solidaires, FA-FP et CFE-CGC) réclament notamment une hausse du pouvoir d’achat. Les cheminots protestent contre la réforme du rail. Il y a eu plus de 180 rassemblements dans toute la France.

La journaliste du Monde Raphaëlle Besse Desmoulière, chargée du suivi des syndicats, a répondu à vos questions sur le bilan de cette mobilisation.

Questionneur : Peut-on déjà évaluer si le pari des syndicats est réussi ?

C’est un peu tôt, même si les premiers chiffres commencent à tomber. Côté cheminots, les quatre syndicats de la SNCF avaient fait savoir qu’ils attendaient 25 000 personnes pour cette manifestation nationale dans la capitale, soit presque un cheminot sur cinq. C’est ce qu’a annoncé la CGT. La préfecture, elle, a donné 16 500 personnes. Pour ma part, j’étais présente à cette manifestation, il y avait du monde.

Côté fonctionnaires, c’est sans doute un peu plus mitigé. A Paris, ils étaient 32 500, selon la préfecture, et 40 000, selon la CGT. Le 10 octobre, lors de la dernière manifestation des fonctionnaires, ils étaient 26 000, selon la police, et 45 000, selon la CGT. C’est donc sensiblement la même chose que le 10 octobre, à la seule différence qu’à cette date les neuf syndicats représentatifs de la fonction publique appelaient à la mobilisation. Là, ce n’était pas le cas de la CFDT ni de l’UNSA…

Antoine : Pour quelles raisons la CFDT et l’UNSA n’appelaient-elles pas à la mobilisation ? Ces syndicats seraient-ils donc contre le service public ?

La CFDT et l’UNSA (qui appelaient, par ailleurs, à se mobiliser côté cheminots) jugeaient cette date « prématurée ». « Ne pas appeler à la grève ne vaut pas accord avec ce qui est proposé et ne veut pas dire que l’on n’est pas mobilisé mais dans l’établissement du rapport de force, cela nous semblait prématuré », me disait, mardi, Mylène Jacquot, de la CFDT.

Nicolas : On a l’impression que les syndicats n’ont pas gonflé les chiffres de la participation par rapport à ce qu’ils pouvaient faire auparavant. Je me trompe ou le nouveau système de la presse semble changer les pratiques ?

Nous avons le premier chiffre issu de notre dispositif concernant la manifestation des fonctionnaires à Paris : 34 700 manifestants. Comme je le rappelais à l’instant, ils étaient 32 500, selon la préfecture, et 40 000, selon la CGT. Ce qui tendrait à montrer qu’effectivement chacun a fait preuve de modération…

Paul Hoffmann : Comment faudra-t-il analyser le chiffre du nombre de manifestants avec le nouveau système de la presse ? A priori il n’y aura pas de données pour comparer.

Ce chiffre sera une indication supplémentaire. Nous continuerons à donner ceux de la police et des syndicats. Effectivement, il n’y aura pas de point de comparaison, ce dispositif étant officiellement utilisé pour la première fois. Une première expérience avait, cependant, été menée lors de la manifestation du 16 novembre 2017. Ce dispositif avait permis de décompter 8 250 manifestants. La police, elle, avait dénombré 8 000 personnes, et la CGT en avait annoncé cinq fois plus.

Fernelie : Au-delà des batailles de chiffres, quelles sont les perspectives pour la suite du mouvement ? Y a-t-il appel à poursuivre, amplifier cette première journée de grève ? L’intersyndicale a-t-elle prévu de faire une annonce dans les prochains jours ?

Les sept syndicats de fonctionnaires qui appelaient à se mobiliser doivent se retrouver le 27 mars pour décider des suites à donner au mouvement. Donc pas de nouvelle date pour le moment. Côté SNCF non plus, mais une grève perlée a été annoncée, à partir du 3 avril jusqu’au 28 juin.

Arnonyme : Existe-il des sondages de « popularité » de la SNCF à l’heure actuelle ? Si oui, à combien s’établit cette cote ?

Selon un sondage Opinion Way paru au début de mars, 58 % des sondés estiment que la grève prévue le 22 mars contre la réforme de la SNCF n’est « pas justifiée ».

Vous pouvez retrouver notre article sur la SNCF et l’évolution de l’opinion publique au fil des années à propos de l’entreprise ferroviaire.

Roro024 : Pourquoi ne parle-t-on que très peu aujourd’hui des étudiants et lycéens qui sont fortement mobilisés aujourd’hui et depuis plusieurs mois ?

La journaliste du Monde Elisa Centis se trouve actuellement avec les étudiants et les lycéens qui manifestent à Paris.

Par ailleurs, à Lille, l’entrée de Sciences Po a été complètement bloquée avec des barrières et des poubelles. De son côté, l’université de Lyon-II a annoncé dans un tweet que les cours et les activités qui devaient avoir lieu sur le campus Berges du Rhône n’avaient pas pu avoir lieu ce matin à cause du mouvement étudiant.

Inès : Qu’en est-il, dans les mouvements parisiens, de la présence étudiante ?

Nous avons interrogé nos journalistes sur le terrain, qui nous disent avoir vu quelques lycéens et étudiants dans le cortège des cheminots, mais ils n’étaient pas présents en masse. Côté manifestation des fonctionnaires, en revanche, ils étaient plus nombreux, notamment de Paris-Nanterre et Paris-VIII, qui occupaient la tête du cortège.

Simplet : Dans un tweet, votre correspondante parle de « black bloc ». Pourriez-vous m’éclairer sur cette expression ?

Le mouvement black bloc est né en Allemagne dans les années 1980, en soutien – déjà assez radical dans sa pratique – aux personnes évacuées des squats. Depuis, le mouvement s’est amplifié et a gagné l’Europe, ainsi que l’Amérique du Nord.

Les membres de cette mouvance, caractérisés par leur tenue noire, se distinguent souvent dans les grandes manifestations altermondialistes par leur méthode violente, usant notamment de cocktails Molotov. Ils s’en prennent aux institutions, et surtout à la police, accusée d’être l’appareil répressif d’une société liberticide.

Toutefois, il faut se garder de toute généralité quant à leur positionnement idéologique, car les black blocs sont une nébuleuse hétérogène, qui revendique globalement un état d’esprit libertaire et horizontal. D’après les autorités, seul un noyau dur de 450 à 500 personnes constitue le groupe des black blocs en France.