Pour tenter de se libérer d’une clause de confidentialité, Stephanie Clifford  a proposé de rembourser les 130 000 dollars qu’elle a reçus de la part de Michael Cohen, l’avocat de M. Trump. / MANDEL NGAN, ETHAN MILLER / AFP

L’une est brune et discrète, l’autre est blonde et expansive. Toutes les deux, Karen McDougal, la brune, et Stephanie Clifford, la blonde, ont un point commun : entre 2006 et 2007, elles affirment avoir entretenu une « relation » avec Donald Trump, qui n’était alors qu’un magnat de l’immobilier devenu star de la téléréalité. Mais c’était un an après le mariage de ce dernier avec Melania Knauss, le 22 janvier 2005, et quelques mois après la naissance de leur fils Barron, le 20 mars 2006.

Aujourd’hui, Karen McDougal et Stephanie Clifford entament un bras de fer avec le président et ses avocats pour raconter ces « aventures » que Donald Trump – qui a été à plusieurs occasions accusé de comportement déplacé avec les femmes – persiste à nier.

Le combat de ces deux femmes n’a peut-être pas le panache de celui que mène le procureur spécial Robert Mueller, dans le cadre de l’enquête sur l’ingérence supposée de la Russie dans l’élection présidentielle américaine de 2016, mais il pourrait avoir des conséquences sur la suite de la présidence Trump.

« Catch and kill »

Mardi 20 mars, Karen McDougal, ancienne playmate de l’année 1998 du magazine Playboyporté plainte devant un tribunal de Los Angeles (Californie) contre le groupe de presse American Media (A.M.I.), qui édite un tabloïd, The National Enquirer, dont le patron, David Pecker, est un proche de Donald Trump. Il n’hésite pas à le défendre à coup de transactions financières reposant sur des clauses de confidentialité, une technique appelée « catch and kill » (attraper une histoire pour l’étouffer).

Dans une enquête publiée le 4 novembre 2016, quatre jours avant l’élection de Donald Trump à la présidence, le Wall Street Journal avait détaillé comment Karen McDougal avait signé, en août 2016, un contrat qui donnait une « exclusivité à vie » à A.M.I. sur l’histoire de « toute relation romantique, personnelle et/ou physique que McDougal [avait] pu avoir avec un homme qui était alors marié ». Le nom de Donald Trump n’apparaissait pas dans ce document.

Karen McDougal a signé en août 2016 un contrat qui donnait une « exclusivité à vie » à A.M.I. sur l’histoire de « toute relation romantique, personnelle et/ou physique que McDougal a [vait] pu avoir avec un homme qui était alors marié ». / DIMITRIOS KAMBOURIS / GETTY / AFP

Dans sa plainte, Karen McDougal ajoute que près de la moitié des 150 000 dollars (121 000 euros) qui lui ont été versés en échange de son silence ont fini dans les poches de Keith Davidson, l’avocat qui lui avait été conseillé et dont elle a découvert qu’il était de mèche avec le camp Trump. Elle estime avoir été manipulée et poussée à signer cette clause d’exclusivité qu’elle demande aujourd’hui à la justice d’annuler.

Dans un communiqué, American Media Inc. réaffirme de son côté avoir respecté sa part du contrat et dit vouloir parvenir à une solution amiable avec Karen McDougal.

Clause de confidentialité

Mais Karen McDougal fait pâle figure face à Stephanie Clifford, connue sous son nom d’actrice pornographique de Stormy Daniels. Depuis sept ans, rappelle le Wall Street Journal, cette dernière s’est lancée dans une bataille d’une autre ampleur : elle veut pouvoir raconter son « aventure » avec Donald Trump.

En 2011, elle a commencé par accorder un entretien à l’hebdomadaire In Touch qui n’a été publié… qu’en janvier 2018. Elle y évoquait sa liaison avec Donald Trump, parlant de « relation sexuelle très conventionnelle ».

Depuis, elle multiplie les apparitions à la télévision ou lors de performances, et sa campagne médiatique devrait trouver sa consécration dans la diffusion d’un entretien accordé à l’émission « 60 Minutes », sur CBS, et programmée dimanche 25 mars.

L’actrice mène aussi sa campagne sur le front juridique. Début mars, elle a porté plainte contre Donald Trump pour demander l’invalidation de la clause de confidentialité qu’elle a signée le 28 octobre 2016, onze jours avant l’élection présidentielle avec Michael Cohen, l’avocat de M. Trump, par l’entremise de Keith Davidson, le même avocat que Karen McDougal.

Pour tenter de se libérer de cette clause, l’actrice a proposé de rembourser les 130 000 dollars reçus de la part de Michael Cohen, l’avocat de M. Trump. M. Cohen a indiqué qu’il s’agissait d’une « transaction privée », réglée sur ses fonds propres.

Elle estime que cet « accord (…) n’existe pas, entre autres parce que M. Trump ne l’a jamais signé », affirme Michael Avenatti, l’avocat qu’elle s’est choisi dans ce combat. Un tribunal de Los Angeles examinera la demande de Stephanie Clifford 12 juillet.

Des transactions qui intéressent la Commission électorale

Mais Michael Cohen, en affirmant avoir réglé sur fonds personnels cette transaction – via son entreprise de conseil Essential Consultants, comme le rapporte le New York Times – n’a pas expliqué pourquoi il avait effectué ce versement ni si Donald Trump en avait été informé.

L’organisation Common Cause, qui a saisi la commission électorale (Federal Election Commission ou FEC) et le département de la justice, affirme que le président et son équipe de campagne pourraient avoir violé la loi sur le financement de campagne.

Les 130 000 dollars versés à Stormy Daniels quelques jours avant l’échéance du 8 novembre 2016 peuvent être considérés comme des tentatives d’influencer l’élection présidentielle et auraient dû être intégrés dans les comptes de campagne du candidat.

Aux termes de ces investigations, Donald Trump et son avocat pourraient être amenés à faire des dépositions.

D’autres cas à suivre

Michael Avenatti, l’avocat de Stormy Daniels expliquait, le 16 mars sur CNN, que son cabinet vérifiait des accusations concernant Donald Trump recueillies auprès de six femmes dont le récit, précise-t-il, est « étonnamment similaire à celui de ma cliente, dont deux sont aussi concernées par des clauses de confidentialité ».

Comme en écho, dans le livre Fire and Fury de Michael Wolff, publié en janvier, l’ancien conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche Steve Bannon a affirmé que Marc Kasowitz, un avocat de M. Trump, a réglé une centaine d’affaires similaires pendant la campagne.

L’affaire est loin d’être close. Et curieusement, Donald Trump, pourtant adepte du lynchage de ses opposants sur Twitter, n’a toujours pas réagi aux actions en justice de Karen McDougal et de Stormy Daniels.

American Media Inc, machine à « tuer les rumeurs »

The National Enquirer, le tabloïd publié par American Media Inc (A.M.I.), un groupe de presse dirigé par David Pecker, fait partie des médias qui soutiennent Donald Trump, au même titre que Fox News ou Breitbart, rappellent The New Yorker et CNN.

En plus de son fonds de commerce traditionnel – des célébrités dans des situations humiliantes, ou encore sans leur maquillage –, The National Enquirer a la ligne éditoriale qui tient en trois points, rappelle CNN : « Trump est entouré d’ennemis, que le président réduit à néant, donc, Trump est extraordinaire. »

David Pecker, le patron d’A.M.I. ne fait pas mystère de son amitié pour Donald Trump. Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. Dans les années 1990, alors que M. Pecker dirigeait la branche américaine d’Hachette Filipacchi Magazines, il publiait Trump Style, un magazine uniquement destiné aux propriétés Trump.

Et pour son ami de vingt-cinq ans, David Pecker est prêt à tout, poursuit le New Yorker : « Il achète les histoires qui menacent de sortir pour mieux les enterrer, il embauche les femmes qui voudraient rendre public une aventure avec Donald. »

Pendant la campagne de 2016, le tabloïd disponible dans tous les supermarchés et les supérettes américaines a multiplié les « unes » tapageuses contre Hillary Clinton.