Construction d’un bâtiment, à Rennes, 28 décembre 2017. / DAMIEN MEYER / AFP

La reprise dans le secteur du bâtiment a, en 2017, été réelle, avec un chiffre d’affaires en hausse de 5 % par rapport à 2016, et semble encore vive en ce début 2018. Les entreprises embauchent, ont créé 20 700 emplois l’an passé et prévoient 30 000 recrutements cette année « à tel point que nous avons de la peine à recruter des personnes qualifiées », reconnaît Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment, à l’occasion de sa présentation de conjoncture, jeudi 22 mars.

Pour preuve, le nombre de demandeurs d’emploi dans la construction qui, à fin janvier 2018 et sur douze mois, recule de 4,8 %, et les salaires qui augmentent de 2,8 %, en 2017, et même 3,5 % au seul 4e trimestre comparé à celui de 2016. Les coûts de construction s’accroissent également, amplifiés par l’inflation qui touche les matériaux comme, par exemple, l’acier (+ 14 % en un an). « Les entreprises n’augmentent, elles, leurs prix que de 1,6 %, moins que la hausse des salaires et du coût des matériaux, et peinent à restaurer leur marge », observe M. Chanut.

Le secteur reste fragile, déstabilisé par plusieurs mauvaises nouvelles : les promoteurs ont moins vendu au dernier trimestre 2017 (– 3,8 %), les commandes de maisons individuelles sont en chute de 17,4 % à fin janvier 2018 sur un an, le nombre de permis de construire est en recul, à la même date, de 5,4 %… Autant de chantiers qui n’ouvriront pas dans six, douze ou dix-huit mois. « Le gouvernement d’Edouard Philippe reproduit les mêmes erreurs que ses prédécesseurs, François Fillon, en 2011, et Jean-Marc Ayrault, en 2012, avec des mesures restrictives qui vont faire plonger la construction », s’irrite M. Chanut. Car après avoir raboté le prêt à taux zéro et le dispositif Pinel d’avantage fiscal à l’investissement locatif, le gouvernement s’apprête à revoir leurs zonages donc réduire leur périmètre.

Gripper la production

Sa ponction de 800 millions d’euros sur les recettes des HLM va, en outre, peser sur la construction et la rénovation des logements sociaux de nombreux offices comme, par exemple, Hauts-de-Seine Habitat qui annonce d’ores et déjà diviser par deux ses programmes de réhabilitations, qui passera de 600 à 300 par an, et sa production de logements neufs, de 500 à 180. Action logement (ex-1 % Logement des entreprises) menace, lui, de retirer son soutien financier aux programmes de rénovation urbaine.

Le futur Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte) prévoit, en effet, le relèvement de 20 à 50 salariés du seuil des entreprises cotisantes, ce qui priverait cet organisme de 300 millions d’euros par an, sur 1,6 milliard d’euros de collecte. « L’encre de l’accord quinquennal signé, le 28 janvier, entre l’Etat et Action logement est à peine sèche que l’Etat le remet en cause par cette décision », commente M. Chanut qui, jusqu’à cette date, présidait Action logement.

Enfin, il est envisagé de transformer le crédit d’impôt « transition énergétique » par la « prime Hulot », mais les crédits seront coupés en deux, passant de 1,8 milliard d’euros à 900 millions d’euros. Pour M. Chanut, « tout cela mènera à un effondrement de la construction et un nécessaire plan de relance plus coûteux que les précédents, car il faudra bien plus de temps pour remettre la production en route qu’il n’en aura fallu pour la gripper. Nous connaîtrons alors un trou d’air », prédit-il.