« Le Départ de Télémaque », par Charles Meynier (1768-1832). Cette huile sur toile sera vendue à Nantes le 27 mars. / NTERENCHERES

Les œuvres d’art de qualité muséale ne sont pas uniquement vendues sur le marché parisien des ventes aux enchères, qui se résume pour beaucoup à la place de Drouot. Les régions ont aussi leurs records et le phénomène n’est pas nouveau : en 2011, à Toulouse, un rouleau impérial chinois a été adjugé 22 millions d’euros par Maître Labarbe, le record des enchères de l’année. Puis en 2013, le coffre japonais en laqué or du cardinal Mazarin retrouvé en Touraine et vendu 7,31 millions d’euros par l’étude Rouillac à Cheverny, obtient aussi le trophée la plus belle adjudication en France de l’année.

« Le florilège de records des enchères en région est nouveau », constate Dominique Le Coënt, président du directoire du site Interenchères. Un commissaire-priseur aussi à l’origine d’un résultat remarquable avec à une œuvre majeure du peintre russe Constantin Korovine (1861-1939), proposée à Senlis en mars 2017. Elle appartenait pourtant à un collectionneur d’art parisien…

« Les vendeurs ont réfléchi et ils n’ont pas manqué de me questionner, doutant du fait que je puisse réaliser les mêmes résultats qu’ailleurs. Je leur ai alors présenté un plan de communication avec une publicité dans un média russe spécialisé dans le domaine de l’art. La mise en relation avec des Russes habitant New York s’est faite ainsi », raconte le commissaire-priseur installé dans l’Oise. « Et puis Senlis est plus proche que Paris de l’aéroport de Roissy ! », s’amuse Dominique Le Coënt.

Puissance numérique des plates-formes

En réalité, ce n’est pas la proximité de Paris qui a permis la réussite de cette vente mais bel et bien la constante mondialisation des ventes aux enchères. « Il y a peut-être sept, huit ou dix ans, ces œuvres majeures se seraient vendues davantage à Drouot ou chez les Anglo-Saxons », admet Dominique Le Coënt. Aujourd’hui, la puissance numérique des importantes plates-formes de ventes aux enchères « désenclave » aussi bien les sociétés de ventes aux enchères de province que les acheteurs venus du monde entier.

Les exemples se multiplient : un violon à 570 000 euros à Vichy en 2014 ; un tableau de Gustave Caillebotte (1848-1894) à Deuil-la-Barre pour 740 000 euros ; un vase chinois du XVIIIe siècle, sorti du placard par Maître Carlier à Saint-Etienne et vendu 1,75 million d’euros en 2014 ; trois Bouddhas en bronze à Bordeaux pour 6,2 millions d’euros en 2016 ; une nature morte du peintre néerlandais Pieter Claesz (1597-1661) adjugée 1,19 million d’euros en mai 2017 à Pau…

Et les acheteurs ne se contentent pas de cliquer pour enchérir, ils font aussi le déplacement. « Dès que nous avons communiqué sur ces bronzes, le marché chinois s’est affolé, (…), bon nombre d’amateurs se sont déplacés de Chine pour venir les voir à Bordeaux », se souvient le commissaire-priseur Maître Briscadieu.

Authenticité parfaite

La mondialisation n’est pas la seule explication à ce palmarès régional bien fourni. Dominique Le Coënt évoque l’« authenticité parfaite de l’objet » que recherche l’amateur d’art et qui constitue un facteur de réussite de ces enchères en régions. Le commissaire-priseur de Senlis soutient que lorsque l’amateur d’art fait une acquisition, celui-ci préfère la quête de l’objet d’art qui a une belle histoire, même « au fin fond de la France », plutôt que l’acte d’achat en lui-même.

Ainsi, lorsqu’une toile, comme celle du peintre indonésien Raden Saleh (1811-1880), est retrouvée dans une cave à Auray en Bretagne et obtient un record mondial (7,2 millions d’euros) lors de sa vente à Vannes, elle bénéficie de cette authenticité parfaite qui contribue au succès du résultat d’enchère.

Le président du directoire d’Interenchères, site fort de ses 265 maisons de ventes installées partout en France, est d’ailleurs persuadé que d’autres records en régions vont être battus : « Tous ces résultats démontrent la multiplicité des gros prix d’adjudications. Nous avons des arguments plus puissants, nous accumulons plus de résultats et donc plus de visibilité ». Un bouche-à-oreille d’envergure mondiale venu des régions françaises.