« Interpol, une police sous influence ? », de Samuel Lajus. Sur Arte + 7. / ARTE.TV

LES CHOIX DE LA MATINALE

Le printemps, ce n’est pas encore pour maintenant. En attendant, restez au chaud. Au programme de ce week-end : un belle histoire d’amour, un docu haletant sur Interpol et une plongée dans les archives sonores de Mai-68.

« Ne me dis rien » : l’ordinaire brutal d’une passion amoureuse

Dans le tramway, leurs regards se croisent. Puis se recroisent. A la piscine où elle se rend, comme chaque mercredi soir, et où il l’a suivie, pour la première fois, ils ne se parlent pas, suspendus au désir dont ils retardent, avec conscience, l’aboutissement. A la sortie, l’étreinte se produit dans cette fulgurante intimité qui fait s’entendre les corps sans que les mots aient à s’en mêler. Photographe, mariée avec un homme qu’elle aime et mère d’une adolescente, Lena (Ursina Lardi) reverra Martin (Ronald Zehrfeld), journaliste, lui aussi amoureux de sa femme. Soucieux de préserver leurs couples, ils entameront une liaison qu’ils penseront pouvoir maîtriser.

Traitée à la manière d’un matériau brut, la passion des amants adultères s’impose sans que soit exploité, pour la justifier, l’argument des sentiments – pourtant présents – ou l’excuse de l’ennui (voire la frustration) conjugal. Face à ce matériau brut qui n’offre aucune prise, il n’est rien d’autre à faire que d’attendre l’apparition de la première fissure. Avant que le mur ne se lézarde, devienne poreux.

Andreas Kleinert enregistre cette lente dégradation dans laquelle pourtant Lena et Martin choisiront de ne pas sombrer, soustrayant ainsi le film à une entière noirceur. Il n’empêche que la scène finale, filmée à travers la vitre d’un café, sans aucune parole échangée, fait un clin d’œil si grand à l’esthétique d’Edward Hopper qu’on ne peut échapper au désenchantement dont le film n’a cessé de repousser l’avènement. Véronique Cauhapé

« Ne me dis rien », d’Andreas Kleinert. Avec Ursina Lardi, Sarah Hostettler, Ronald Zehrfeld (Allemagne, 2016, 90 minutes). Sur Arte + 7.

Les zones d’ombre d’Interpol

Interpol, extrait d'un documentaire diffusé sur Arte.
Durée : 01:37

C’est une délicate et solide enquête qu’ont menée le Français Mathieu Martinière et l’Allemand Robert Schmidt sur Interpol, organisation mondiale aussi mythique que méconnue. Dans l’imaginaire collectif, celle-ci évoque plutôt un univers d’enquêteurs aux pouvoirs considérables, aux compétences reconnues et aux moyens sans limites, capables de surveiller, d’arrêter terroristes, trafiquants et autres fâcheux.

Une image que cette enquête menée sur plusieurs années démythifie. D’abord, l’institution créée en 1923 et basée à Lyon, en dépit de ses 192 pays membres, paraît sans cesse courir après l’argent, tant son budget de fonctionnement (environ 100 millions d’euros) est ridicule par rapport aux multiples missions dont elle est chargée. D’où la nécessité pour Interpol de trouver d’autres sources de financement, avec des entreprises privées ou même des Etats.

Aussi lucratifs soient-ils, ces partenariats (avec la FIFA, Philip Morris ou des pays comme le Qatar ou Singapour) posent évidemment la question du conflit d’intérêts. Mais où trouver l’argent si les pays membres refusent d’augmenter leurs contributions ? Le problème semble insoluble. Alain Constant

« Interpol, une police sous influence ? », de Samuel Lajus. Auteurs : Mathieu Martinière et Robert Schmidt (France, 2018, 95 minutes). Sur Arte + 7.

Plongée sonore dans Mai-68

Illustration de « Mai 68, la révolte sur les ondes ». / Europe 1

Il y a tout juste cinquante ans, une centaine d’étudiants occupaient la salle du conseil de l’université de Nanterre. Ce « Mouvement du 22 mars », à la tête duquel se trouve Daniel Cohn-Bendit, ira en s’amplifiant pour atteindre, début mai 1968, la Sorbonne, à Paris, avant de s’étendre à toute la France.

Symbole du déclenchement d’un des plus vastes mouvements sociaux, politiques et culturels qu’a connus la France, au XXe siècle, le 22 mars, a également été choisi par Europe 1 pour lancer les commémorations du cinquantième anniversaire de Mai-68, à travers une journée spéciale. Afin de faire revivre les temps forts de ces événements, la station propose un « tout-sonore » construit à partir de ses archives, commentées par Thierry Geffrotin.

Découpé en quatre épisodes de 10 minutes, allant du 22 mars au 29 mai, date de la disparition surprise du général de Gaulle, avant son retour et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, Mai 68, la révolte sur les ondes, permet d’appréhender la manière dont ce mouvement de contestation étudiant s’est mué en mouvement social puis politique.

Surtout, il offre, par sa richesse sonore, une véritable plongée au plus près des événements au fil desquels on peut (ré)entendre les différents protagonistes, les reporters d’Europe 1 (Gilles Schneider, Fernand Choisel, Alain Cancès…) se glissant dans les cortèges, les assemblées générales ou arpentant le Quartier latin lors de la nuit des barricades du 10 et 11 mai, ainsi que les débats organisés par la station avec les auditeurs. Christine Rousseau

« Mai 68, la révolte sur les ondes », de Sébastien Guidis, commenté par Thierry Geffrotin (4 ×10 minutes) sur Europe1.fr