La police éthiopienne a arrêté, dimanche 25 mars, un groupe de onze opposants influents, dont certains venaient tout juste d’être graciés et libérés de prison, a-t-on appris auprès d’un avocat. Parmi les personnes arrêtées figurent le journaliste Eskinder Nega et l’homme politique Andualem Arage, qui avaient été libérés le 14 février après plus de six années de prison dans le cadre d’une amnistie annoncée en janvier par l’ex-premier ministre Hailemariam Desalegn, a indiqué à l’AFP l’avocat Ameha Mekonnen.

Deux clients de M. Ameha, Befekadu Hailu et Mahlet Fantahun, des blogueurs membres de Zone 9, un collectif très critique vis-à-vis du gouvernement et à l’égard duquel les dernières poursuites judiciaires lancées en 2014 avaient été abandonnées en février, font aussi partie de ce groupe.

Tous participaient à un événement organisé pour célébrer la libération de milliers de prisonniers – dont des hommes politiques, militants et journalistes – dans le cadre de cette amnistie, quand la police est arrivée et a encerclé la maison dans laquelle ils se trouvaient, a affirmé M. Ameha. « Ils ont été accusés de s’être rassemblés sans autorisation », a-t-il expliqué. De tels rassemblements sont interdits par l’état d’urgence décrété le 16 février au lendemain de la démission du premier ministre.

Etat d’urgence

Les onze opposants sont également accusés d’avoir exhibé une version du drapeau éthiopien populaire parmi ceux qui critiquent le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), la coalition au pouvoir, a précisé M. Ameha. Figure la plus connue de ce groupe, Eskinder Nega avait été arrêté en septembre 2011 à la suite d’un texte prédisant un soulèvement similaire au printemps arabe en Ethiopie.

Comme d’autres journalistes, blogueurs et opposants critiquant le gouvernement, il avait été inculpé de terrorisme, puis condamné à dix-huit ans de prison à l’issue d’un procès vivement critiqué par les organisations internationales de défense des droits humains.

L’état d’urgence autorise la détention sans procès de suspects et M. Ameha admet ne pas savoir si les onze opposants seront formellement inculpés ou non. « Ce n’est pas la procédure judiciaire habituelle, donc je vais voir comment je peux les aider », a-t-il relevé.

L’EPRDF est réuni depuis le 20 mars pour élire le successeur de M. Hailemariam, emporté par une vague sans précédent de manifestations antigouvernementales débutées fin 2015. Au vu de l’opacité des hautes sphères du pouvoir éthiopien, il est difficile de prédire si l’Ethiopie se dirige vers une plus grande ouverture ou si elle se prépare à une reprise en main par des partisans d’une ligne dure.