« Le jeu ne trahit pas », conseille aux employeurs en quête de nouvelles recrues Matthis Pierotti, PDG fondateur du cabinet Origamix, spécialiste de l’organisation de jeux au service des ressources humaines. Jouer « fait ressortir les traits de caractère », renchérit Arnaud Vucher, gérant de L4M. fr, site d’offres d’emploi et organisateur d’événements.

Les grandes entreprises font désormais appel à des techniques ludiques pour détecter et attirer les meilleurs candidats. L’organisation d’escape games, jeux à succès qui, dans un temps imparti, consistent à résoudre des énigmes en équipe pour s’évader d’un huis clos, est devenue une technique de recrutement.

Depuis trois ans, Groupama en confie l’organisation à L4M, un spécialiste qui a élaboré une ­douzaine d’escape games sur les 18 derniers mois. Le 14 juin, à Lille, dans la salle Get Out, Natixis Assurances plannifie une session pour recruter au sein de son centre d’expertise de Villeneuve-d’Ascq (59). L’assureur a plongé dans cette mode « pour recruter des personnalités », explique Céline Carolo, directrice des ressources humaines (DRH). Au ministère des finances, à Paris, Origamix a aussi organisé une session pour accompagner Unibail-Rodamco, BNP ­Paribas et Accenture lors de campagnes menées en 2017.

Un taux d’échec limité

Pourquoi ce jeu fait-il fureur auprès des DRH ? Sur le papier, l’opération a tout pour plaire. Lors de ces parties de jeux de soixante minutes environ, « les candidats ont la banane », prétend Arnaud Vucher. La plupart des employeurs ont d’abord éprouvé cette méthode lors de séances de formation. Groupama « l’a introduite dans son processus d’intégration » de nouveaux salariés, précise Bénédicte Crété-Dambricourt, directrice adjointe des ressources humaines de l’entreprise, puis, au vu de l’intérêt de cette « approche ludique interactive à ­dimension collective », l’a intégrée à son processus de recrutement.

Car tous les chargés RH, infiltrés dans le jeu ou observateurs de son déroulé, y voient une méthode propre à détecter des traits de personnalité qu’un « entretien formel » ou les « dernières lignes du CV » ne permettent pas d’identifier. Bienveillance, savoir-être, ­esprit d’équipe, sens de l’écoute et de la communication seraient plus faciles à jauger lors de ces parties, selon ces experts de ­l’emploi. « Le retour est direct », juge M. Vucher. Et le taux d’échec de ce mode de sélection serait « limité », observe Mme Carolo.

Au passage, les employeurs se distinguent. « Le jeu attire des candidats qui ne seraient pas forcément venus à nous », admet la directrice des ressources humaines de Natixis Assurances. Car « rendre l’expérience de recrutement plus ludique » permet « d’attirer des personnes aux profils très ­recherchés », décode Sébastien ­Canard, directeur général d’Open Sourcing, cabinet spécialisé dans la présélection de candidats. Et de rentrer en contact « avec des individus rétifs » a priori à un secteur, ajoute M. Pierotti.

« Eviter l’esprit de compétition »

Natixis Assurances a précisément recours aux escape games pour pourvoir des postes de « chargés de gestion de la relation clients » dans ses centres d’appels. D’autres entreprises s’en servent pour « des postes de commerciaux ou d’ingénieurs informatiques », observe aussi M. Canard, en jugeant que cette méthode génère « un nombre de candidatures supérieur au processus classique d’offres d’emploi ».

Le recours à ces jeux serait-il alors un aveu d’échec des méthodes traditionnelles pour des ­postes dénigrés dans des secteurs ­jugés peu attrayants ? Proba­blement, un peu. Le jeu lustre la ­notoriété de l’employeur.

Toutefois, tous les postes ne sont pas adaptés à cette méthode. « Il s’agit de prêter attention aux compétences comportementales, et non techniques », note M. Pierotti. Le jeu ne sera pas le lieu pour vérifier l’expertise d’un candidat.

Les employeurs doivent ainsi « faire preuve de transparence », en précisant si l’un des joueurs est un chargé de recrutement, par exemple, explique Mme Carolo. La séance doit également être suivie d’un « débriefing ». Et en aucun cas, ce type de jeu ne doit être organisé dans le but de pourvoir un seul poste, pour « éviter tout esprit de compétition » entre les participants. Recruter au long cours exige aussi de suivre les règles du jeu.

Cet article fait partie d’un dossier réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Pôle emploi.