Le 24 mars à Mayotte. / BERTRAND LANGLOIS / AFP

Tergiversations au sommet de l’Etat. Alors que la situation à Mayotte continue de se dégrader, l’exécutif peine toujours à apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Et pour cause. L’Elysée, Matignon, les ministères des outre-mer, de l’intérieur et des affaires étrangères ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde. D’après des échanges confidentiels auxquels Le Monde a eu accès, deux options s’opposent notamment, en haut lieu, sur l’attitude à tenir face aux Comores.

D’un côté, le ministère des outre-mer plaide pour un renforcement de la coopération avec les Comores, en exigeant en contrepartie des engagements des autorités comoriennes à lutter contre l’immigration clandestine. Lors de sa dernière visite dans l’océan Indien, en août 2017, Annick Girardin avait engagé des consultations dans cette optique. Cette option a, semble-t-il, la préférence de Matignon.

Cicatrices encore vives

Cependant, le ministère des affaires étrangères en pince toujours pour une vieille chimère qu’il entend réactiver : la communauté de l’archipel des Comores. Une idée notamment portée par la direction Afrique-océan Indien du ministère des affaires étrangères, qui estime qu’une partie des responsables politiques comoriens serait prête à renoncer à l’idée de Mayotte comorienne. Il s’agirait dès lors de proposer une association entre Mayotte et les Comores dans le cadre d’un accord de coopération régionale. Cette option aurait également les faveurs de l’Elysée, en particulier du conseiller outre-mer d’Emmanuel Macron.

Problème, elle se heurte à des oppositions croisées, tant du côté mahorais que du côté comorien. Elle sous-estime notablement les cicatrices encore vives de l’histoire entre Mayotte et les Comores.

Un épisode récent est d’ailleurs venu rappeler la difficulté des relations. Depuis mercredi 21, l’Union des Comores a pris la décision, notifiée par une circulaire du vice-président chargé des transports, Soulaimana Kaambi, de refuser le retour sur son territoire des Comoriens expulsés de Mayotte. « En raison de la crise sociale qui prévaut dans l’île comorienne de Mayotte (…), écrit le ministre, il est interdit aux compagnies maritimes et aériennes qui desservent cette île d’embarquer à destination d’autres îles sœurs toute personne considérée par les autorités qui administrent Mayotte comme étant en situation irrégulière. »

Ainsi, le Gombessa, un navire de la SGTM assurant la liaison régulière entre les îles de l’archipel, a dû repartir à Mayotte avec à son bord 95 passagers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire. Pour les dirigeants des Comores, qui refusent de reconnaître le choix des Mahorais, exprimé en 1974, de rester dans le giron français et considèrent Mayotte comme comorienne, les ressortissants comoriens doivent pouvoir se déplacer comme bon leur semble dans l’archipel. Une position qui complique encore un peu plus les options de sortie de crise étudiées à l’Elysée.

Le gouvernement devrait annoncer mercredi 28 mars, un renouvellement de l’équipe préfectorale et des directions des services de l’Etat à Mayotte. Un nouveau délégué devrait immédiatement être dépêché su place pour reprendre langue avec les élus et avec les représentants des collectifs et de l’intersyndicale.