Le rappeur Siboy. / DR

Pour éviter d’évoquer son passé douloureux, le rappeur Siboy, en tournée, prétexte d’abord des problèmes de mémoire… à 26 ans ? « Non, mais c’est parce que je fume beaucoup, se défend-il, ça a un peu atteint mes neurones. » Le jeune homme n’a pas eu une vie facile, et il la camoufle, tout comme son état civil, dans ses morceaux, où il pratique l’humour, le cynisme et un flow aussi doucereux qu’âpre.

Dans ses clips, comme Mobali ou Au revoir, vus plusieurs millions de fois sur Internet, il apparaît le visage encagoulé. En entretien, il ne quitte pas son passe-montagne, et il faut un peu de temps pour qu’il lâche pudiquement : « Je suis né à Brazzaville, mais il y a eu la guerre. Mes parents ont décidé de partir, car ma mère était d’une ethnie différente de celle mon père, qui, lui, était militaire. Ils ont eu peur que notre famille soit divisée. J’ai encore les images de la guerre en tête. »

De bouches de métro en foyers

Après un passage par Kinshasa, Siboy arrive en France à l’âge de 8 ans, dort avec sa famille dans les bouches de métro parisien, dans les hôtels payés par l’État français puis s’installe définitivement, trois ans plus tard, à Mulhouse, dans un foyer pour réfugiés placés par l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) : « A partir de là, nous avons commencé à vivre une vie normale. J’ai grandi en foyer avec des Yougoslaves, des Congolais, des Ivoiriens avant d’être intégré dans un parcours scolaire normal et que mes parents obtiennent une HLM. »

Siboy - Au revoir merci
Durée : 03:07

Le hip-hop n’arrive dans sa vie qu’à l’âge adulte. Alors qu’il loue son propre appartement, un ami dépose toutes ses affaires chez lui : « Dans ses cartons, il avait laissé un ordinateur, un micro et une carte son externe. J’ai essayé de composer des musiques. Le son de ma voix m’a paru bizarre au début, mais je me suis lancé. » Repéré par Booba dès son premier freestyle sur YouTube, celui qui a d’abord été beatmaker a affûté son style en se détachant le plus possible de son influence américaine, la trap de Young Buck ou de Future.

Son anonymat, il l’explique ainsi : « J’ai toujours été très réservé et j’ai cherché un substitut pour ne pas montrer mon visage. La cagoule était évidente, c’est ce qu’il y avait de moins cher : 3 euros. Je ne regrette pas ce choix, c’est un luxe d’avoir une vie normale quand tu es un artiste. »

Siboy - Mobali (Clip Officiel) ft. Benash, Damso
Durée : 03:31

Depuis son arrivée en France, Siboy n’est jamais retourné au Congo. Il en rêve : « Je peux bien sûr parler sur WhatsApp avec mes cousins. Mais les odeurs me manquent, je suis sûr qu’elles m’aideront à me souvenir. J’ai envie de sentir la chaleur, de voir comment le pays à évolué. J’ai besoin de déclics pour réveiller ma mémoire, il y a encore des choses enfouies. »

Siboy en tournée, dont le 8 avril à La Seine musicale, sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).