Nul besoin de surenchérir avec une nouvelle loi ni de durcir les dispositions existantes. Alors que la droite et l’extrême droite réclament un rétablissement de l’état d’urgence ou l’enfermement préventif des « fichés S » après les attaques djihadistes dans l’Aude, plusieurs députés La République en marche (LRM) opposent une fin de non-recevoir à ces demandes de l’opposition, en jugeant suffisant le dispositif de sécurité actuel.

« La logique “un événement-une loi” moi j’y suis extrêmement réticent », déclare Raphaël Gauvain, rapporteur de la loi antiterroriste (SILT) entrée en vigueur le 1er novembre pour prendre le relais de l’état d’urgence. « Nous n’allons pas voter une nouvelle loi à chaque fois qu’il y a un attentat, alors que l’arsenal antiterroriste existant a permis d’enrayer vingt-deux attentats en un an », complète son collègue Sacha Houlié, en précisant que la loi votée par la majorité à l’automne « permet le suivi des personnes radicalisées, la possibilité d’assignation à résidence ou de fermeture de lieux de culte ».

« Le dispositif issu de la loi SILT est efficace. Il garantit l’Etat de droit et la sécurité. Tous ceux qui travaillent avec sérieux sur la question de la lutte antiterroriste trouvent absurde l’internement des “fichés S” », abonde Aurore Bergé, porte-parole du groupe LRM, en accusant Laurent Wauquiez et Marine Le Pen de s’adonner à « des mesures d’affichage populistes ». « Ils sont dans l’instrumentalisation et dans l’utilisation de ces attentats pour en faire un objet politique, au risque d’oublier le deuil national », s’indigne à son tour la députée de Paris, Laetitia Avia.

« La réponse n’est pas législative »

Pour autant, certains élus macronistes n’excluent pas de faire évoluer le dispositif législatif à l’avenir. « Si on s’aperçoit qu’il y a des insuffisances dans la loi votée à l’automne, on pourra l’adapter. S’il faut donner à l’administration de nouveaux outils préventifs on le fera », assure Raphaël Gauvain. « Si cela s’avérait nécessaire, dans des circonstances exceptionnelles, nous pourrions rétablir l’état d’urgence », abonde Yaël Braun-Pivet, présidente LRM de la commission des lois. « Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui car l’arsenal dont nous disposons est suffisant pour faire face à la menace de manière efficace. » « La réponse n’est pas que législative », insiste toutefois M. Gauvain. « Le gouvernement a lancé un plan de lutte contre la radicalisation notamment en prison, la réponse est là », selon lui. Plusieurs élus soulignent en outre que l’exécutif ne lésine pas sur « les moyens », en recrutant notamment près de 2 000 agents de renseignement supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat.

Les députés de la majorité se désolidarisent en outre des propositions formulées par Manuel Valls, qui a plaidé pour une « interdiction du salafisme » et une éventuelle « rétention administrative » des « fichés S » les plus dangereux. Même si le député de l’Essonne est apparenté LRM, plusieurs élus macronistes jugent que sa parole n’engage aucunement l’ensemble des députés LRM. « Il parle en tant qu’ancien premier ministre et sa ligne n’est pas celle du groupe », tranche M. Houlié.

« Surenchère »

Son collègue Aurélien Taché est du même avis. Cinglant, le député du Val-d’Oise condamne les propositions de M. Valls, y voyant « des mesures d’affichage, qui risquent de diviser davantage la société, plutôt que d’apporter des réponses opérationnelles ». « Il ne faut pas tout mélanger et se livrer à des raccourcis. Le rôle d’un responsable politique n’est pas de se transformer en islamologue », ajoute-t-il pour disqualifier la proposition de l’ex-premier ministre visant à interdire le salafisme. « Manuel Valls a une vraie expertise sur le sujet », soutient au contraire le député de Paris Sylvain Maillard, se disant « totalement raccord » avec l’ancien chef de gouvernement sur cette mesure précise. « Je pense qu’il faut savoir nommer nos adversaires et le salafisme est notre adversaire », ajoute-t-il.

Quant à son idée d’enfermer les « fichés S » de manière préventive, la plupart des députés LRM la rejettent, au motif qu’elle serait inapplicable et priverait les services de renseignement d’un outil de collecte d’informations cruciales sur les personnes radicalisées. Le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, a dénoncé la « surenchère » d’une telle proposition : « Les Etats-Unis ont eu à une époque Guantanamo et ont bien vu que ça ne marchait pas. Ça n’empêche pas les attentats et par ailleurs on se retrouve avec des personnes dont, au bout d’un moment, on ne sait plus quoi faire », a-t-il expliqué sur Europe 1. A l’instar de M. Houlié, certains reprochent au passage à l’ex-premier ministre de « formuler les mêmes propositions que M. Wauquiez et Mme Le Pen ».

Certains, dans la majorité, se montrent toutefois tolérants avec M. Valls. « Il a raison de poser le débat », nuance ainsi Marie Guévenoux, ancienne juppéiste aujourd’hui députée LRM de l’Essonne. « On a une menace terroriste très forte, si dans certains cas on peut décider d’une assignation à résidence voire d’un placement en rétention administrative sans mettre en péril le renseignement, cela mérite d’être évalué », poursuit l’élue qui précise que sa position n’est pas arrêtée. Le signe que le débat n’est pas clos au sein du groupe majoritaire.