Les voies sur berge, à Paris, en septembre 2017. / LUDOVIC MARIN / AFP

Dans le déluge de tuiles qui s’abat sur la maire de Paris depuis quelques semaines – Vélib’ en rade, faux PV de stationnement du prestataire Streeteo, annulation de la fermeture à la circulation des voies sur berge –, voici une nouvelle qui devrait fournir une petite bouffée d’oxygène à Anne Hidalgo : l’air devient un peu moins irrespirable dans la capitale.

C’est Airparif, l’organisme chargé de la surveillance de sa qualité en Ile-de-France, qui le dit. Le bilan de l’année 2017, publié jeudi 29 mars, montre en effet un certain progrès sur le front de la pollution. « 2017 confirme la tendance générale à l’amélioration constatée depuis plusieurs années en Ile-de-France », conclut l’organisme dans sa synthèse. Cette « légère amélioration » se manifeste d’abord dans le nombre d’épisodes (ou pics) de pollution : il est passé de dix-huit jours en 2016 à douze jours en 2017.

Cette tendance à la baisse s’illustre ensuite dans le nombre de Franciliens exposés à des dépassements des normes pour les deux principaux polluants que sont les particules PM10 (de diamètre inférieur à 10 micromètres) et le dioxyde d’azote (NO2).

Ainsi, le nombre de Franciliens soumis à des niveaux de PM10 supérieurs à la valeur limite (40 µg/m3 en moyenne annuelle) a été divisé par deux entre 2016 (plus de 200 000) et 2017 (plus de 100 000). Concernant le NO2, gaz très toxique rendu célèbre par le scandale des moteurs diesel truqués, le total de Franciliens exposés à des niveaux qui ne respectent pas la réglementation (40 µg/m3 en moyenne annuelle) est passé de plus de 1,4 million en 2016 à plus de 1,3 million en 2017, dont près d’un Parisien sur deux.

Il n’y a pas encore là de quoi crier victoire mais la maire de Paris y verra un encouragement à poursuivre sa politique de lutte contre la pollution et de restriction de la place de la voiture. Sur la base de la fameuse vignette Crit’Air, Anne Hidalgo programme d’interdire progressivement les diesels d’ici aux Jeux olympiques de 2024 et les motorisations essence, à l’horizon 2030.

Ses détracteurs, eux, ne manqueront pas de relever que, si Airparif note une « amélioration » de la situation, il considère néanmoins que, sur le front de la pollution de l’air, la « diminution reste insuffisante ». L’organisme constate ainsi la permanence de dépassements importants des valeurs limites pour les PM10 et le NO2. Ces excès – également constatés dans une dizaine de régions, dont les agglomérations lyonnaise et marseillaise – valent à la France la menace d’une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par Bruxelles, ainsi qu’une injonction du Conseil d’Etat à proposer, avant le 31 mars, un plan pour une amélioration rapide de la qualité de l’air.

5 000 morts par an

Les autorités sanitaires estiment que la pollution de l’air est responsable chaque année d’environ 5 000 morts prématurées en Ile-de-France, dont la moitié dans la capitale. « C’est la santé des Franciliens résidant le long du trafic et dans le cœur de l’agglomération parisienne qui est la plus touchée », rappelait déjà Airparif dans son bilan de l’année 2016.

La circulation automobile reste au cœur du problème. Concernant le NO2, les niveaux sont en moyenne deux fois supérieurs à la valeur limite autour des axes les plus chargés comme le périphérique. Pour les PM10, la centaine de milliers d’habitants encore soumis à des dépassements de la limite (pas plus de trente-cinq jours d’exposition supérieure à 50 µg/m3) vivent dans une large majorité à proximité des grands axes.

Et si on s’intéresse aux particules fines PM2,5 (inférieures à 2,5 micromètres), les plus dangereuses, la valeur limite annuelle (25 µg/m3) est certes respectée en moyenne sur l’ensemble de l’Ile-de-France. Mais 10 millions de Franciliens (85 %), contre 11 millions (95 %) en 2016, sont encore concernés par le dépassement de l’objectif de qualité français, fixé à 10 µg/m3, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé. Là aussi, « ces concentrations peuvent être près de deux fois supérieures à cet objectif à proximité du trafic routier », précise le rapport.

Airparif s’est intéressé plus particulièrement aux établissements recevant du public (ERP) dit sensible de Paris et de la petite couronne : crèches, écoles, collèges, lycées, structures d’hébergement des personnes âgées, hôpitaux, terrains de sport… Au total, 8 255 établissements de ce type ont été identifiés. Sur la période 2016-2017, un peu plus d’un ERP sur quatre (27 %) était soumis à des dépassements de la valeur limite pour le NO2.

Accélérer le renouvellement du parc roulant

L’organisme a évalué l’impact qu’aurait la mise en place d’une zone de basses émissions (ZBE) – à savoir l’interdiction de quatre catégories de véhicules les plus polluants sur la base de la vignette Crit’Air – sur la qualité de l’air de ces ERP. Aujourd’hui, la zone de circulation restreinte en vigueur à Paris bannit uniquement les véhicules « non classés » (immatriculés avant 1997) et les Crit’Air 5 (les diesel en circulation avant 2001).

Selon Airparif, avec une zone de basses émissions dans la capitale, soit une interdiction touchant aussi les Crit’Air 4 et 3 (les diesel d’avant 2011 et les essence d’avant 2006), le nombre d’ERP soumis à des dépassements de NO2 tomberait à 4 % en 2019-2020. L’extension de cette aire de restriction à une partie de l’agglomération, jusqu’à l’A86, permettrait de faire chuter la proportion à 1,75 %. Conclusion de l’organisme : « La mise en place d’une zone de basses émissions (ou toute mesure équivalente qui permettrait d’accélérer le renouvellement du parc roulant et/ou de réduire le trafic) aurait un impact important sur les concentrations de dioxyde d’azote. »

Le premier comité de pilotage sur la mise en place d’une zone de basses émissions métropolitaine a eu lieu mercredi 28 mars. Un cadre propice pour amorcer enfin un rapprochement entre Anne Hidalgo (PS) et sa première opposante, Valérie Pécresse (LR), la présidente de la région Ile-de-France, sur le front de la lutte contre la pollution.