L’épineux dossier de la chronologie des médias connaîtra-t-il un happy end ? Les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel vont-ils finalement réussir à se mettre d’accord sur une nouvelle version de ce système français qui régit la diffusion des films après leur sortie en salle ? On devrait le savoir d’ici une dizaine de jours.

Jeudi 29 mars, les deux médiateurs missionnés par le ministère de la culture pour tenter de réconcilier une galaxie d’intérêts divergents, voire opposés, ont en effet proposé aux représentants de plus de trente organisations de professionnels du cinéma, des chaînes de télévision et des opérateurs de télécommunication, une nouvelle mouture d’un texte de compromis.

Fin du gel des droits

Un premier scénario présenté le 9 mars par Dominique D’Hinnin, ancien dirigeant du groupe Lagardère, et François Hurard, ex-directeur du cinéma du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), n’avait pas permis de trouver un accord. « On avait vu une fumée ni blanche ni noire, mais toute une nuance de gris », avait commenté un des participants aux discussions. Bon nombre n’étaient pas hostiles au texte mais réclamaient des aménagements.

L’idée majeure consiste à faciliter l’accès aux œuvres cinématographiques pour le grand public : plus de 60 % des films pourront être achetés en DVD ou en vidéo à la demande trois mois après leur sortie en salle.

Dans l’ultime version que Le Monde s’est procurée, l’idée majeure consiste à faciliter l’accès aux œuvres cinématographiques pour le grand public : plus de 60 % des films pourront être achetés en DVD ou en vidéo à la demande trois mois après leur sortie en salle. Soit un mois plus tôt qu’aujourd’hui. La fin du gel des droits (période pendant laquelle un film ne pouvait pas être acheté en vidéo ou consulté en vidéo à la demande dès qu’il était diffusé sur Canal+) devrait mettre fin à un état de fait qui incitait au piratage. Les producteurs et les créateurs – qui réclament un plan déterminé des pouvoirs publics pour lutter contre ce fléau – sont donc invités eux-mêmes à s’en mêler, quitte à inviter le gouvernement à les accompagner.

Les longs-métrages seront diffusés plus tôt sur les chaînes payantes (six, sept ou huit mois après la sortie en salle sur Canal+, par exemple, contre onze mois aujourd’hui). Idem pour les télévisions gratuites, qui pourront programmer, dans le meilleur des cas, des films dix-sept mois après leur sortie en salle (soit cinq mois plus tôt qu’aujourd’hui).

Par rapport aux propositions précédentes des médiateurs, la première « fenêtre » de diffusion des films en télévision payante a été maintenue à huit mois, et non plus sept mois, après la sortie en salle, les chaînes ayant mis en avant des nécessités de programmation.

Un autre objectif du texte est de donner aux plus de 700 films qui sortent sur grand écran chaque année une seconde vie. Pour mettre au goût du jour cet accord interprofessionnel, qui datait de 2009, les nouveaux acteurs du service de vidéo à la demande par abonnement, Netflix et Amazon, sont pour la première fois pris en compte : s’ils s’engagent à financer le septième art français, ils pourront diffuser des films quatorze mois après leur sortie en salle (contre trente-six aujourd’hui).

Adaptation plus rapide au marché

C’est bien là aussi la préoccupation qui sous-tend le document : conforter le financement du cinéma hexagonal et donner un accès plus rapide aux films aux opérateurs qui paient le plus. Un principe qui permettrait, par exemple, à Orange, Ciné + ou Altice de diffuser des films quinze mois après leur sortie en salle et non plus vingt-deux mois. A condition qu’ils ouvrent plus largement leur porte-monnaie.

Un autre objectif de ce projet d’accord est de tenter une adaptation plus rapide au marché. Les chaînes gratuites pourront diffuser des programmes de rattrapage – comme le fait déjà largement Arte. Ce qui permettrait surtout à France Télévisions de mieux exposer le cinéma. Par ailleurs, si aucune chaîne payante n’a acheté les droits d’un film documentaire sorti en salle, comme ceux proposés par Arte ou France 3, ils seront diffusés plus tôt sur ces chaînes.

Les professionnels ont une dizaine de jours pour parapher cette proposition d’accord, l’amender légèrement… ou la rejeter. En tout cas, les médiateurs n’iront pas au-delà de leur mission après la mi-avril. Ils ont dans la manche un atout sérieux : si les acteurs du cinéma et de la télévision n’arrivent pas à s’entendre sur ce dossier, ils auront encore plus de mal à convaincre les députés de défendre leurs thèses dans la future loi sur l’audiovisuel. Et, de façon plus imparable encore, le gouvernement pourra choisir soit le scénario initial de la chronologie des médias dessiné par les médiateurs, soit l’une des deux versions amendées pour légiférer sur ce dossier.