Olivier Faure lors d’une rencontre avec des militants PS de Haute Garonne, à Toulouse, le 28 mars. / MATTHIEU RONDEL/HANS LUCAS POUR "LE MONDE"

Editorial du « Monde ». S’il aime les métaphores, Olivier Faure pourrait reprendre les paroles d’une chanson de Michel Polnareff, Dans la maison vide (1969) : « Dans la maison vide, (...) je passe ma vie à regarder les oiseaux qui passent comme des menaces et (...) je n’attends personne. »

Elu, jeudi 29 mars, premier secrétaire du Parti socialiste, lors d’un second tour de scrutin où il était seul en lice, le président du groupe Nouvelle Gauche de l’Assemblée nationale hérite d’une maison en ruine, où tout est à reconstruire, des fondations au plafond, une chaumière délabrée, désertée par ses occupants – il n’y a eu qu’un peu plus de 35 000 votants –, cernée par des « oiseaux qui passent comme des menaces » et se nomment Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, ou encore le moineau Benoît Hamon.

A première vue, l’élection d’Olivier Faure, 49 ans, est une bonne nouvelle pour ce parti qui, entre 2012 et 2017, a perdu tous les leviers de pouvoir dont il disposait : l’Elysée, Matignon, l’Assemblée nationale, le Sénat, la plupart des régions, la majorité des départements et des grandes villes. Aussi invisible qu’inaudible depuis sa débâcle électorale de 2017, le PS a enfin un chef, qui sera intronisé au congrès d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 7 avril.

Un parti qui n’a plus d’identité affirmée

Le premier tour de scrutin, le 15 mars, a montré que le noyau dur des militants qui n’ont pas quitté le parti d’Epinay est majoritairement « hollandais », M. Faure et son principal concurrent, Stéphane Le Foll, ancien ministre de l’agriculture de François Hollande, ayant recueilli près de 75 % des suffrages. Le député de Seine-et-Marne est assuré de l’appui de 68 fédérations sur 103 et disposera d’une majorité confortable, mais hétérogène – allant de Jean-Marc Ayrault à Martine Aubry –, dans les instances de direction. Mais les défis qui l’attendent sont gigantesques.

Le PS n’a plus d’identité affirmée. Dans une gauche plus que jamais éclatée, ce n’est plus lui mais La France insoumise qui est en position hégémonique. Le Parti communiste et Europe Ecologie-Les Verts sont moribonds. Il lui faudra reconquérir un espace dans un paysage où une grande partie de ses électeurs, et même de ses élus, ont rallié M. Macron ou M. Mélenchon. Quelle sera la stratégie d’alliance de M. Faure alors que, aux élections européennes de 2019, le PS court le risque de se retrouver derrière Génération.s de M. Hamon ? Cela suppose que, dans un premier temps, il opère ce que François Hollande appelle « une clarification » sur sa conception de l’Europe, un sujet qui a déchiré le parti depuis 1983, avec le tournant de la rigueur, et plus encore lors du référendum de 2005.

A juste titre, M. Faure veut « rassembler », mais l’unité qu’il semble incarner grâce à son profil très consensuel est, à ce stade, un leurre. Le député, qui s’est abstenu sur le vote de confiance au gouvernement d’Edouard Philippe, prône une opposition « responsable », et non « pavlovienne », à M. Macron. Une position qui a toutes les chances d’entraîner, au lendemain du congrès d’Aubervilliers, le départ du dernier carré d’« hamonistes », qui, comme la majorité du Mouvement des jeunes socialistes, va rejoindre M. Hamon. Et il y a encore des socialistes qui sont séduits par En marche ! Dans une Europe où la social-démocratie est partout en crise, Olivier Faure va devoir redéfinir l’identité « réformiste » du PS. La refondation est à ce prix, comme un défi existentiel ou une mission impossible.