« Il faudra que la France change la vision qu’elle a de l’islam et des musulmans » (Tahar Ben Jelloun en 2008). / MARTIN BUREAU / AFP

Tribune. La France est un Etat de droit. Le terrorisme tente de casser cet Etat et de ruiner la démocratie. Toutes les réponses de la France ont été en parfaite concordance avec l’esprit républicain.

Pas question par exemple de suivre l’exemple américain consistant à créer un Guantanamo à la française. Des voix s’élèvent pour mettre sur pied des centres de rétention où séjourneraient les vingt mille individus classés « S ». Ce n’est ni possible ni souhaitable. Alors que faire ?

La France se trouve la cible permanente d’un mouvement animé par la haine de la République, par le rejet de ses lois, par le racisme antichrétien et aussi antijuif. Le discours des djihadistes est simpliste. En criant « Allah Akbar », ils annoncent la couleur de leurs actes. On leur a assez dit combien ce pays est « une terre de mécréants, dominés par les juifs et qu’il est du devoir du musulman de le nettoyer ». Il n’y a pas autre chose dans la tête de ces individus qui ont été conquis par une propagande efficace et insistante dominée par un antisémitisme de plus en plus virulent.

La France ne pourra pas continuer d’attendre que ses ennemis se fatiguent ou deviennent raisonnables. Ils ne vont pas abandonner ni se repentir. On trouverait davantage de possibilités d’arrangement avec la Mafia qu’avec les djihadistes, car ces derniers sont remplis par une idéologie de guerre et de haine incommensurable.

L’indignation est insuffisante

Faut-il déclarer de nouveau l’état d’urgence ? Multiplier le nombre de vigiles et accentuer les recherches ? Tout cela est possible, mais au fond, il ne sert pas à grand-chose. La police et la gendarmerie font leur travail sans relâche. L’acte héroïque du colonel Arnaud Beltrame est là pour le prouver.

Mais ce qui est à faire pour mettre fin à cet éternel retour de la tragédie relève d’une autre stratégie : que la population musulmane s’implique réellement dans la lutte et la prévention du terrorisme qui est commis en son nom ou du moins au nom d’une religion mal digérée et sciemment détournée.

Les musulmans, dans leur diversité, ne peuvent plus se contenter de s’indigner et de condamner ces actes de barbarie. Ils doivent participer à la lutte que mène la République contre le terrorisme. Comment ? Il y aurait deux niveaux.

Le premier existe déjà mais ne constitue pas une force importante. De plus en plus de jeunes musulmans (croyants ou pas, mais de culture et de sensibilité musulmanes) intègrent les rangs de la police et de la gendarmerie. Il faudrait les inciter, les motiver, leur donner la possibilité de défendre les valeurs de la république en s’engageant dans cette lutte.

Une communauté tentée par le repli et le silence

Le deuxième plan est plus complexe, car il s’agit de convaincre la majorité de la population musulmane d’aider la nation à prévenir les attentats et à les empêcher. Pour cela, il faudra que la France change la vision qu’elle a de l’islam et des musulmans. Il faudra gagner cette communauté, certes divisée et méfiante, tentée par le repli et le silence. Il faudra qu’elle se sente concernée par cette affaire qui lui porte un tort immense et en même temps assumer un islam sécularisé, compatible avec la laïcité.

Comment agir, comment parler, comment s’organiser ? Cela demandera du temps et de l’imagination.

Dans un premier temps Le président de la République pourrait s’adresser aux musulmans de France, les rassurer, leur tendre la main pour une collaboration qui concerne aussi bien leur avenir que celui de toute la nation. On sait qu’un « islam de France » n’existe pas encore. On l’imagine, on l’espère, on le dessine, mais tout le monde en convient pour constater qu’il n’a pas trouvé sa place dans la société française laïque. Il y aurait beaucoup de travail à faire pour le rendre possible, crédible, républicain. Ce travail n’est pas entrepris, même si la fondation culturelle Islam de France a été installée depuis 2016 et essaie d’élaborer des projets et des initiatives. Cependant elle manque de moyens.

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Seule une participation sincère et profonde des musulmans de ce pays est susceptible de donner à la lutte contre le terrorisme au nom de l’islam quelque efficacité. Ce serait aussi une façon de laver l’islam de ces discours haineux et désastreux qui contredisent ses principes et ses valeurs en résonance avec les deux autres monothéismes.

La lutte de l’Etat de droit contre la barbarie est un combat asymétrique. L’objectif des djihadistes est justement de pousser les démocraties à abandonner le droit pour utiliser les mêmes armes qu’eux. La France résiste certes, mais elle résisterait encore mieux si les six millions de musulmans qui y vivent acceptaient de participer à la lutte pour faire échec au terrorisme qui mène une guerre silencieuse mais déterminée.